Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah, oui ! donnant, donnant ! Que veux-tu en dehors de ce que je t’ai promis déjà ?

— Je ne veux rien autre ; mais je désire être maintenant certain d’avoir ce commandement promis et je désire aussi que tu me donnes une armée destinée à opérer en France.

— Pourquoi en France ?

— Parce que c’est dans ce pays surtout que je veux me venger.

— C’est entendu… va !

Saladin s’éloigna à reculons ; une joie brutale se lisait sur sa dure physionomie et il murmura en s’en allant :

— Enfin !…

 

Le spectacle de cette opération sans précédent dans l’histoire du monde fut d’un macabre dont rien ne peut donner une idée.

Le soleil se couchait au fond de la Corne-d’Or lorsque, revenant de son excursion de reconnaissance, Saladin s’arrêta à 20 mètres au-dessus de la terrasse du funèbre caravansérail ; sa cargaison de cadavres l’y attendait, et, pour la compléter, car on n’avait pu aller chercher au loin ceux qui avaient succombé dans la journée, les médecins arabes avaient fait attacher avec les autres quelques vivants arrivés à la dernière période de la maladie.

C’était un effroyable charnier amoncelés par paquets de huit, déjà raidis et zébrés de plaques noirâtres, les pestiférés surtout étaient hideux. Une odeur de pourriture, bien connue de ceux qui ont visité les hôpitaux de cholériques, montait vers la nacelle où Saladin, inondé d’acide phénique des pieds à la tête, achevait ses préparatifs d’arrimage.

Autour de la couronne en acier qui servait de pied à la balustrade, il disposa dix gros crochets largement ouverts : à l’aide d’une cordelette attachée en un point convenablement choisi, il comptait faire basculer le crochet et dégager la corde qui y prenait appui.

Successivement les chapelets humains furent suspendus à ces crochets et, quand la nuit fut noire, l’interprète déchargea l’aérostat d’une partie de son lest, et se mit en