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Page:Drieu La Rochelle - Les Chiens de paille, 1964.djvu/19

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le personnage considérable et délabré, les vastes épaules près de crouler et qui ne croulaient pas, ses vêtements usagés et cocassement commodes.

— Ah, c’est différent.

— Et toi, ajouta Constant, comme répondant à la réflexion du petit noiraud, qu’est-ce que tu fous là, maintenant qu’il n’y a plus d’autos  ?

L’autre dédaigna de répondre «  Je bricole  », mais avec son audacieuse tranquillité il proposa  :

— Tu as soif. Viens boire un coup.

— Pas de refus.

Ils entrèrent. L’intérieur était propre, d’une austérité un peu surprenante  : il n’y avait pas les petites babioles habituelles sur les murs. Une jeune femme montra le même regard impassible.

— Donne-nous de la bière.

Ils s’accoudèrent à la toile cirée, ne se regardant plus avec attention, chacun ayant fait son plein de l’autre. Constant sortit un paquet de caporal. Le noiraud sourit froidement.

— Tu dois en avoir plein tes poches avec Susini  ?

— On a ce qu’il faut.

Quand la bière fut là et qu’ils en eurent bu  :

— Tu travailles avec Susini  ?

— Il m’a donné du travail à mon retour d’Allemagne.

— Évadé  ? Vieille classe  ?

— Oui.

De nouveau le regard vert s’attachait  :

— Oui, tu avais fait l’autre.

— Dame… Je vois que tu connais Susini.