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Page:Drieu La Rochelle - Les Chiens de paille, 1964.djvu/42

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américains ou russes, Préault pouvait parler, comploter et même se faire tuer. Tout cela c’étaient des gestes de fantôme et d’automate, galvanisé par une électricité de hasard  : c’étaient des gestes maladroits et qui s’ils étaient dans une certaine mesure efficaces contre qui il les faisait, contre l’Allemand, n’étaient pas efficaces à son propre endroit  ; ils ne s’engrenaient pas sur sa vitalité intérieure et ils ne l’augmentaient pas. Simplement des étrangers obtenaient en faveur de leurs buts les témoignages d’une survivance. Réduit à lui-même, Préault serait resté absolument immobile comme tous les Français, adorant Notre-Dame la France sur son autel intérieur, pierre inerte. Un Français ne pouvait combattre que dans une armée ou un parti anglais, allemand, russe ou américain, parce qu’il n’y avait plus d’armée française, et il n’y avait plus d’armée française parce que les Français n’avaient pas voulu se battre par eux-mêmes dans leur propre armée. Ils n’y avaient fait que des gestes de fantômes si réduits que ces gestes s’étaient à peine aperçus dans le monde. D’autres gestes de fantômes se produisaient maintenant parce que l’étranger portait la main sur les ressorts et lui-même les faisait jouer.

Constant considérait tout cela. Il voyait tous ces pauvres Français égarés, aveugles, voués à la fatalité de n’échapper à un étranger qu’en se rejetant sur un autre. Ceux qui criaient contre la servitude aux Allemands ne pouvaient que se réfugier dans la servitude aux Anglais ou aux Russes. Et ceux qui criaient contre la servitude aux