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Page:Drieu La Rochelle - Les Chiens de paille, 1964.djvu/57

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et notre joie au-dessus des destructions spirituelles qu’ils ont accomplies. Nous ne sommes pas philosophes, eux le sont ou l’ont été  ; ces grands philosophes ont anéanti toutes les formes de la philosophie et nous, nous nous sommes élancés par-dessus ces anéantissements.

Constant et le petit peintre parlaient tranquillement, nonchalamment, comme s’ils s’étaient toujours connus.

C’était à peine s’ils croyaient nécessaire de dire ces choses. Ils savaient, dans leur science de la vie, que les rencontres et les conversations ne soulèvent le plus souvent que l’écume triviale des pensées. Les deux hommes qui avaient renoncé aux rencontres heureuses n’avaient rien à attendre de celle-ci, puisque chacun n’avait pas attendu l’autre pour coïncider avec lui.

Le peintre alla poser sa palette auprès d’un léger chevalet où Constant vit une étroite nature morte. Dans cet autre tableau, bien qu’il dit la même chose que dans le grand, le Russe le disait par un tout autre biais et surprenait Constant en le confirmant dans la forte idée qu’il avait prise de lui, dès la fresque, une fois pour toutes. Cette nature morte n’avait rien de mort, cette plante grasse qui allongeait ses flammes vertes était passionnément animée sous la touche infiniment calme du pinceau et disait la même fureur de vivre parfaitement vaine et, se sachant vaine, délicieusement libre entre le désespoir et la joie qui était au visage du Bouddha ou de l’un de ses acolytes.

— Personne, déclara Constant, n’a jamais été dans