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gambetta et sa cour

On sait ce que c’est que le phénomène de la suggestion. Certains médecins mettent quelques brins de paille sous le nez de quelques malheureuses hypnotisées, en leur disant : « Sentez ce bouquet de roses ! » Les infortunées se pâment. « Quelles belles roses ! Quelle odeur délicieuse ! » Véritablement, vous affirmeront tous les savants, elles ont senti des roses. Les Juifs, grâce à leurs journaux, nous firent sentir de même les lauriers de Gambetta. Ils prirent cet homme, qui n’avait commis que des sottises et des actes malhonnêtes pendant la guerre, qui avait fumé des cigares exquis tandis que les autres se battaient, qui s’était enfui lâchement au moment de rendre ses comptes, et nous le présentèrent, nous l’imposèrent comme l’architype du patriote, le héros de la Défense, l’espoir de la Revanche.

Cela se produisit, en plein jour, en plein soleil, en pleine liberté de la presse, sans aucune de ces circonstances de mystère et de lointain, qui aident à grandir une personnalité qu’on ne voit pas.

Qui a été dupe de ces manœuvres ? me direz-vous. Tout le monde et vous-même. L’obsession d’un nom, constamment répété, est telle, que les plus sceptiques et les mieux informés, ne peuvent se défendre d’une sorte d’hésitation.

Grâce au bruit de ces syllabes sonores, sans cesse renouvelé, Gambetta finit par hanter l’esprit de tous, amis ou ennemis ; on le prit pour support du rêve patriotique que chacun caressait. La France crédule, amoureuse de fictions, se laissa aller à en faire comme le héros de son roman. N’était-ce pas un avocat, Juarez, qui avait délivré le Mexique ? Qui sait si cet homme, si jeune encore, et qui, en apparence, semblait appelé comme par une invisible prédestination, ne gardait pas au plus profond de son cœur l’amertume secrète de la défaite ?