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gambetta et sa cour

Vos yeux se sont-ils arrêtés parfois sur une curieuse eau-forte de Rembrandt : La Fortune contraire ? Le long du rivage un lourd cavalier, un Vitellius à tête laurée, poussif et bouffi de graisse, vient de rouler à bas de son cheval. Dans le lointain on aperçoit des statues, des Hermès. À gauche, la foule se précipite vers un temple dont les colonnes rappellent un peu la Bourse. À droite, une Fortune debout tend la voile d’une barque qui s’éloigne avec le vent en poupe. Absolument nue, celfe Fortune montre ses fesses au cavalier désarçonné qui, étalé dans la poussière, jette en vain vers la déesse un regard suppliant. Cette allégorie brutale m’a toujours paru merveilleusement résumer, par son cynisme même, la fin de cette destinée restée si basse en dépit d’une chance si incompréhensible.

Ce cavalier grotesque n’est ni un Titan foudroyé, ni un héros terrassé par le sort, c’est moins encore que Vitellius, c’est un bazochien pris de vin qui a voulu se montrer au Bois et qui a ridiculement culbuté.

Au-dessus des champs de bataille, où vient de succomber le rêve de puissance d’un Napoléon ou le rêve de liberté d’un Brutus, on voit planer, graves et s’envolant lentement, des Fortunes ailées qui semblent respectueuses de ceux

    pendant pour conseiller la prudence et déclarer que Gambetta pourrait bien être battu par Tony Révillon. Naturellement la clairvoyance fut huée ; mais Quentin qui menait le chœur des enthousiastes fut directement interpellé par l’homme prévoyant qui lui dit :

    — Voyons, Quentin, c’est vous-même qui m’avez dit cela : Est-ce la vérité ?

    À ce mot, Gambetta se lève, tout enflammé de colère, et s’écrie :

    — Ah ! la vérité ! la vérité ! J’en ai assez de la vérité !

    N’est-ce pas là tout à fait un mot d’empereur romain ?