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Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/526

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quelque campagne organisée contre elles, les victimes de la Franc-Maçonnerie s’en vont ruminer leur infortune dans un coin ; le mari quelquefois regarde sa vieille compagne, et tous deux se sont compris, ils pensent à la même chose, au malheur d’avoir trop vécu, à la carrière brisée, au nom que naïvement ils se figurent déshonoré[1].

Quel livre à faire sur ces souffrances intimes, sur ces drames qui se passent dans chaque ville et presque dans chaque village ! Ce livre, un seul parmi nous aurait pu l’écrire poignant, navrant, sincère, tel qu’il devrait être en un mot ; c’est Alphonse Daudet ; il l’écrira peut-être.

Quel livre plus tentant, pour une âme généreuse ? Il y a des simples et des humbles qui sont bien émouvants à regarder aux prises avec cette formidable machine gouvernementale mise en mouvement par des mécaniciens scélérats. Quoi de plus impressionnant que l’histoire de ce pauvre organiste de la cathédrale d’Uzès, que tous les journaux ont contée[2] ? C’est une sorte de conseiller Krespel, un de ces maîtres de chapelle à moitié fantastiques comme en a peint Hoffmann, il vit en dehors du monde réel dans un rêve musical, il sourit en marchant aux mélodies divines qu’il entend chanter en lui. Les leçons qu’il a en ville et dans un couvent assurent le nécessaire à ce doux chimérique qui vit de peu. Noël approche et il compte ce jour-là faire entendre un morceau, qui sera digne des maîtres immortels de Paesiello et de Palestrina. « Vous écouterez cela, » dit-il, et sa bonne figure s’illumine et rayonne. »

  1. Voir la mort de M. Maîtrejean, on vieux magistrat, frappé par Martin-Feuillée, pris d’une mélancolie noire et qui se suicidant au mois de février 1885.
  2. Février 1883.