Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 2.djvu/128

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Le traict d’un plus juste esmoy.
Arrière plaintes frivoles
D’un tas de jeunesses folles :
Vous ardents souspivs enclos,
Laissez ma poitrine cuite,
Et traînez à vostre suite
Mille tragiques sanglots.
Si l’injure déréglée
De la fortune aveuglée,
Si un faux bonheur promis
Par les faveurs journalières,
Si les fraudes familières
Des trop courtisans amis :
Si la maison mal entière
De cent procez héritière.
Telle qu’on la peut nommer
La galère désarmée,
Qui sans guide et mal ramée
Vogue par la haute mer :
Si les passions cuisantes
A l’ame et au corps nuisantes.
Si le plus contraire effort
D’une hère destinée,
Si une vie obstinée
Contre un désir de la mort :
Si la triste cognoissance
De nostre fresle naissance,
Et si quelque autre douleur
Geinne la vie de l’homme,
Le mérite, qu’on me nomme
L’esclave de tout malheur.
Qu’ay-je depuis mon enfance
Sinon toute injuste offense
Senti de mes plus prochains ?
Qui ma jeunesse passée
Aux ténèbres ont laissée,
Dont ores mes yeux sont pleins.
Et depuis que l’aage ferme
A touché le premier terme
De mes ans plus vigoureux,
Las, helas, quelle journée