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CLVI

Par ses vers Teïens Belleau me fait aimer
Et le vin, et l’amour : Baïf, ta challemie
Me fait plus qu’une royne une rustique amie,
Et plus qu’une grand’ ville un village estimer.

Le docte Pelletier fait mes flancs emplumer,
Pour voler jusqu’au ciel avec son Uranie :
Et par l’horrible effroy d’une estrange harmonie
Ronsard de pied en cap hardi me fait armer.

Mais je ne sçay comment ce Dœmon de Jodelle,
Dœmon est-il vrayment, car d’une voix mortelle
Ne sortent point ses vers tout soudain que je l’oy,

M’aiguillonne, m’espoint, m’espouvante, m’affolle,
Et comme Apollon fait de sa prestresse folle,
À moy-mesme m’ostant, me ravit tout à soy.

CLVII

En ce pendant, Clagny, que de mil argumens
Variant le dessein du royal edifice,
Tu vas renouvelant d’un hardi frontispice
La superbe grandeur des plus vieux monumens,

Avec d’autres compas et d’autres instrumens,
Fuyant l’ambition, l’envie, et l’avarice,
Aux Muses je bastis, d’un nouvel artifice
Un palais magnifique à quatre appartemens.

Les Latines auront un ouvrage Dorique
Propre à leur gravité, les Grecques un attique
Pour leur naïfveté, les Françoises auront

Pour leur grave douceur une œuvre Ionienne,
D’ouvrage elabouré à la Corinthienne
Sera le corps d’hostel, où les Thusques seront.

CLVIII

De ce Royal palais que bastiront mes doigts,
Si la bonté du Roy me fournit de matiere,
Pour rendre sa grandeur et beauté plus entière,
Les ornemens seront de traicts et d’arcs turquois.