Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/126

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quelle tentative d’insurrection socialiste ayant des ramifications entre Lyon et Marseille. Nos lignes de télégraphie électrique étaient loin d’être complètes, et les départements menacés étaient encore desservis par les télégraphes aériens. Le ministère craignit que les postes ne fussent enlevés ; il s’entendit avec le ministère de la guerre, obtint des fusils, des munitions, et fit armer les stationnaires en leur donnant ordre de se défendre à outrance et de repousser par la force les hommes isolés ou réunis qui tenteraient de s’emparer de leurs stations. Il va sans dire que la nouvelle de cet armement inusité se répandit très-rapidement dans la contrée. Les insurgés facétieux ne s’amusèrent point à attaquer des employés si bien pourvus : pendant la nuit, en l’absence des préposés, ils crochetèrent les portes des stations, ils pénétrèrent dans l’intérieur, en enlevèrent simplement les lunettes et écrivirent sur le registre aux signaux : « Reçu de l’administration télégraphique deux longues-vues, dont décharge ; » — de plus, ils emportèrent les fusils que chaque stationnaire avait gardés avec soin dans sa logette pour être prêt à s’en servir à la première occasion.

On peut penser que l’établissement des télégraphes, de ce service dont l’État avait seul la jouissance, avait fortement donné à réfléchir aux hommes qui voient dans la spéculation un moyen de s’enrichir, pour qui le gain sans travail est l’idéal de la vie et qui cherchent partout des renseignements à l’aide desquels ils puissent jouer à coup sûr. Avant l’invention des chemins de fer, avant l’application de l’électricité à la télégraphie, le cours de la Bourse de Paris n’était connu à Bordeaux, à Rouen, à Lyon, à Marseille, qu’à l’arrivée de la malle-poste. Les agioteurs qui eussent appris le mouvement des fonds publics douze heures d’avance étaient donc en mesure de faire des bénéfices coupables, mais assurés. Or cela