Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/139

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francs pour relier télégraphiquement Paris à Lille. M. Pouillet, au nom de la commission, lut dans la séance du 4 juin un rapport plus libéral que le projet ministériel, et qui concluait à la prolongation de la ligne jusqu’à la frontière belge. La loi fut votée avec cette importante modification, qui créait, ou du moins invitait à créer la télégraphie internationale. Mais la discussion qui précéda le vote fut curieuse à plus d’un titre. MM. Lachèze et Mauguin préféraient à l’emploi de l’électricité pour la correspondance un nouveau système de télégraphes aériens récemment inventés par M. Ennemond de Gonin[1]. Arago s’escrima de son mieux et ne parvint pas à convaincre M. Berryer, qui déclara n’avoir qu’une foi très-modérée dans l’avenir de la télégraphie électrique. Malgré l’évidence des faits et l’expérience ininterrompue qui durait avec succès depuis plus d’une année, il se trouva des récalcitrants dans la Chambre des députés, et 40 voix protestèrent contre l’adoption de la loi.

Les députés, pendant la discussion, avaient été surtout préoccupés de la facilité avec laquelle on pouvait rompre les fils conjonctifs. En effet, fixés, comme chacun a pu le remarquer, à des poteaux de bois dont ils sont isolés par un godet en porcelaine, ils offraient à la malveillance une tentation permanente. Rien n’était plus aisé que de les couper ; on redoutait les émeutiers qui, en temps de troubles, l’avaient belle pour intercepter les communications télégraphiques d’une ville à une autre. Tout en discutant les mérites de l’invention nouvelle, on parlait des factions et on les montrait volontiers toutes prêtes à déraciner les poteaux, détruire les fils, bouleverser les piles, casser les cadrans et pendre les employés. De tous ces tristes et violents pronostics aucun

  1. Un mémoire sur cette découverte fut lu par l’auteur à l’Académie des sciences dans la séance du 12 février 1844.