Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/218

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que, contrairement à la Compagnie générale, l’entreprise des omnibus est très-peu volée. Les sommes détournées par les conducteurs sont insignifiantes, et, à défaut de documents, même approximatifs, il serait imprudent d’essayer d’en déterminer le chiffre.

Si l’entreprise générale est peu volée, en revanche on vole beaucoup dans les omnibus ; ces grandes boîtes longues, mouvantes et secouées, où l’attention est sollicitée par le bruit et par le spectacle des rues que l’on traverse, où l’on est forcément très-pressés les uns contre les autres, sont un excellent terrain de chasse pour les pick-pockets. C’est là que des femmes, plus adroites que scrupuleuses, coupent les poches de leurs voisines, et que des messieurs très-polis vous débarrassent de votre portefeuille. Il est un genre de vol spécialement pratiqué dans les omnibus et qui mérite d’être raconté avec quelques détails. Pour bien l’exécuter, il faut une grande sûreté de coup d’œil et de mouvement.

Le voleur, en montant dans la voiture, choisit la place qui lui paraît la plus propice ; il feint ordinairement d’être absorbé par ses préoccupations ; il est immobile, mais, entre l’index et le pouce, il tient un grain de plomb fixé à un fil de soie noire très-mince et très-résistant. Quand son voisin ouvre son porte-monnaie pour payer le prix de sa place, au moment précis où il va le refermer, le voleur y lance son grain de plomb, puis, selon l’expression maritime, il laisse filer le grelin. Le porte-monnaie refermé est remis dans la poche, mais, grâce au grain de plomb, il tient au fil de soie, dont l’autre extrémité est restée roulée au doigt du voleur. Celui-ci tire avec légèreté, ou, s’il sent une résistance quelconque, il profite d’un cahot, d’un arrêt trop brusque des chevaux, pour se laisser tomber vivement sur son voisin ; il s’excuse de sa maladresse, mais un coup sec a mis le porte-monnaie en sa possession. Il fait signe au