Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/23

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toires. C’est là le cœur de Paris qui vibre à toute pensée généreuse, s’émeut à toute découverte, fait effort pour pénétrer toujours plus profondément au sein des choses. C’est cette assemblée d’artistes, de savants, d’artisans, d’écrivains, toujours en communication les uns avec les autres, rapides à comprendre, faciles à émouvoir, qui fait de Paris une ville unique dans l’univers, et qui donne un si grand poids à ses jugements, que nulle réputation n’est consacrée lorsqu’elle ne les a victorieusement subis.

Le fléau de Dieu. Attila, se détourna pour épargner Paris. Une puissance mystérieuse, la jeune âme de la France, incarnée dans la gardeuse de moutons, le contraignit à respecter le berceau d’une cité où devait battre le cœur même du monde. Jusqu’à présent il y a eu trois capitales, au vrai sens du mot caput, qui ont eu sur l’humanité une influence génésiaque : Athènes, où sont éclos les beaux-arts et la philosophie ; Rome, qui a créé la jurisprudence ; Paris, qui a enfanté l’égalité. Ces trois villes, ces trois mères, ont produit toute civilisation. Retirez-les de l’histoire, et celle-ci devient un chaos.

Il y a dans l’île d’Ischia une montagne où l’on entend souffler un courant d’air souterrain ; d’où vient-il ? Nul ne le sait, et la science ignore encore où prend naissance cette tempête anonyme qui bruit sous les vieux rocs entassés du mont Épome. Il en est ainsi de Paris ; il y souffle incessamment une brise inconnue dont il faut tenir compte, car parfois elle dégénère en tempête pendant certaines journées qui gardent désormais une date ineffaçable : 10 août, 29 juillet, 24 février[1].

C’est l’âme même de Paris qui s’exhale à ces heures

  1. On peut aujourd’hui ajouter à ces dates celle du 4 septembre. L’orage qui se déchaîna ce jour-là fut doux et propice aux armées allemandes, dont il facilita singulièrement la tâche.