Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/242

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et de Paris à Rouen ; mais cela ne suffisait guère aux justes exigences qui se manifestaient avec d’autant plus d’activité qu’elles se heurtaient sans cesse contre une résistance passive. Après bien des retards, le gouvernement se décida enfin à reprendre l’application des idées que la chambre avait repoussées en 1838 et le 7 février 1842 un nouveau projet de loi fut présenté. M. Dufaure, nommé rapporteur, qualifia sévèrement l’état languissant où la France se traînait en matière de chemins de fer, et parla de « l’œuvre incomplète et incohérente commencée dans les dernières années ». Le réseau était décidé en principe ; mais, pour l’exécuter, on se trouvait en présence de deux systèmes qui avaient chacun de bons et de mauvais côtés. L’un, s’inspirant de l’exemple de l’Angleterre, voulait confier à l’industrie privée le soin de construire toutes les lignes projetées ; l’autre, à l’imitation de la Belgique, voulait le réserver exclusivement à l’État. Pendant quinze jours, on parla pour et contre ; on mêla dans d’égales proportions les deux systèmes en présence, et il en sortit la loi du 11 juin 1842, qui est pour ainsi dire le code des chemins de fer français, et par laquelle l’État et les compagnies concourent dans une mesure déterminée aux charges et aux bénéfices de la construction et de l’exploitation.

On se mit à l’œuvre sans plus de retard ; mais ce qui domina d’abord, c’est un agiotage effréné. Vingt compagnies pour une s’étaient constituées à un capital quelconque, émettant des actions qui, selon les chances variables, subissaient des fluctuations dont les manieurs d’argent savaient tirer profit. Ce fut une folie scandaleuse qui put remettre en mémoire les beaux jours du système de Law. Tous ceux qui en France avaient une influence quelconque s’ingénièrent à tirer de leur côté les concessions définitives. La spéculation se jeta dans