Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/258

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le numéro d’ordre de chaque wagon et vérifié si les voyageurs n’ont rien oublié dans les voitures ; enfin il commande les trois cent quatre-vingt-neuf employés qui font le service de son domaine particulier. Un bon chef de gare est inappréciable pour une compagnie de chemin de fer ; mais cela n’est pas facile à trouver, car il faut savoir faire respecter le règlement tout en étant plein de complaisance pour les voyageurs, dont les exigences vont trop souvent au delà du possible.

Lorsque, tournant le dos au souterrain à triple tunnel qui passe sous le boulevard des Batignolles, on aperçoit l’ensemble de la gare[1], on reconnait qu’elle a presque la forme d’une immense mandoline dont les rails seraient les cordes et dont les poteaux de signaux, placés à chaque embranchement, seraient les chevilles. Là on comprend mieux que partout ailleurs la complication et la simplicité des manœuvres. Un son de huchet retentit au loin, il est immédiatement répété à l’entrée de la gare ; on voit un homme sortir d’une petite cabane vitrée, saisir le levier d’une aiguille, l’abaisser, modifier par ce seul geste la position d’un disque indicateur et mettre le train arrivant sur la voie qui doit le conduire à son quai spécial. Incessamment, pour les trains qui arrivent, comme pour les trains qui partent, une manœuvre analogue se reproduit. Dès que la nuit approche, quand le brouillard s’épaissit, on allume sur les disques des feux dont les couleurs différentes, verte, rouge, jaune, dont la position déterminée, ont une signification particulière qui est comprise par tous les employés comme un ordre écrit. Les combinaisons diverses qui servent à acheminer un train vers un point précis, et à lui réserver en temps utile une voie spéciale, sont tellement ingénieuses et tellement claires, que les

  1. Le soir, la gare est éclairée par plus de 800 becs de gaz, et, dans les temps de service exceptionnel, par 1 100.