Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/275

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que l’on y pense[1]. Le matériel de toutes les compagnies françaises réuni sur une seule ligne peut au besoin, et si les circonstances l’exigeaient impérieusement, jeter en vingt-quatre heures 300 000 hommes sur une frontière. À ce point de vue encore, les chemins de fer sont un bienfait pour la civilisation. En favorisant un énorme entassement d’hommes sur un point déterminé, ils donnent à la guerre une force irrésistible, mais par cela même ils en limitent la durée et la contraignent à s’épuiser elle-même en deux ou trois combats.

Les services que les compagnies de chemins de fer rendent journellement à la population et à l’État sont considérables ; cependant on est injuste envers elles ; volontiers on les accuse, et, sans tenir compte des améliorations que l’expérience a indiquées et qui presque toutes ont été réalisées depuis trente ans, on ne tarit pas en plaintes. Les chemins de fer ne sont point parfaits, cela n’est pas douteux, et il est probable que nos enfants auront des moyens de locomotion perfectionnés que nous ne soupçonnons guère ; mais dans l’état actuel de la science nos railways font ce qu’ils peuvent, et c’est tout ce qu’on est en droit d’exiger d’eux. On leur reproche principalement l’espèce de monopole dont ils jouissent et les accidents dont ils sont, à la fois, la cause et les victimes.

Le monopole des chemins de fer n’a rien d’absolu. Il vient de la perfection même de l’installation et du prix qu’elle coûte. Personne ne songera jamais à établir une ligne concurrente et parallèle entre Paris et Rouen. Ce monopole, qui existe en fait beaucoup plus qu’en droit,

  1. Ceci a été écrit en 1867. L’état-major allemand redouble actuellement de soin et d’activité pour tirer des chemins de fer le meilleur parti possible en cas de guerre. Les études continuent sans interruption. En 1874, des officiers empruntés à tous les corps d’armée et à toutes les armes ont fait des manœuvres spéciales pendant trois mois à cet égard ; il est même question, à Berlin, de créer un corps particulier qui serait aux voies ferrées ce que les pontonniers sont aux cours d’eau (1875).