Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/306

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1413, pendant une des époques les plus troublées de notre histoire, au moment de cette démence de Charles VI qu’on appelait « l’occupation de notre seigneur le roi de France », on compléta la communication de la Cité avec la terre ferme en construisant le pont Notre-Dame[1], qui ne fut achevé qu’en 1421 et ne dura pas longtemps ; car, grâce aux mauvais matériaux de son appareil, il s’écroula en 1449 ; on le rebâtit, et nous l’avons vu encore embarrassé d’une haute construction soutenue sur pilotis, énorme pompe hydraulique élevée en 1670, refaite en 1708, qui chaque jour distribuait deux millions de litres d’eau aux quartiers environnants. C’était un lieu de repêche pour les cadavres ; tous les noyés de la haute Seine, entraînés par la violence du courant, venaient s’arrêter dans l’assemblage de poutres servant de fondation à cette vaste machine et étaient recueillis par le gardien, qui les faisait porter à la Morgue et retirait quelques bénéfices de cette étrange industrie.

Je me souviens qu’en 1843, par une belle journée d’été, un grand nombre de personnes étaient rassemblées sur le pont Notre-Dame et sur les quais voisins. On regardait un jeune homme vêtu d’une vareuse bleue qui nageait avec une grâce et une habileté sans pareilles en amont de ces forts pilotis où l’eau se brisait. Sa longue chevelure noire flottait ; il descendait, remontait le courant et semblait se jouer des difficultés ; on avait peur, on lui criait : « Prenez garde ! » Deux bateliers se jetèrent dans un canot et se dirigèrent vers lui ; il les

  1. « Le mereredy, vigile de l’Ascension, le dernier jour de may, au dit an mil quatre cent treize, fut nommé le pont de la Planche de Mibray le pont Nostre Dame », et le nomma le roy de France Charles ; et frappa de la trie sur le premier pieu, et le duc de Guyenne, son fils, après, et le duc de Berry et de Bourgogne, et le sire de la Trémouille, et estoit l’heure de dix heures de jour au matin. » Journal d’un Bourgeois de Paris, éd. Buchon, p. 613.