Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

culte qui est, pour ainsi dire, la réglementation de l’arbitraire appliqué au salut d’un état de choses quelconque. Chacun l’entend à sa façon : « J’ai fait de l’ordre avec le désordre, » disait Caussidière. Les rouages mis en mouvement sont sévèrement cachés, et comme ils ne touchent en rien aux fonctions municipales de la préfecture de police, qu’ils en sont absolument indépendants, qu’ils lui sont extérieurs et même étrangers, ils restent un secret entre l’autorité directe et des agents inconnus.

Une institution de cette nature est-elle bien utile ? a-t-elle jamais mis obstacle à une révolution ? a-t-elle paralysé une émeute ? Ce qui prévient les troubles politiques, ce ne sont pas les investigations mystérieuses, ce sont les bons gouvernements. « Monseigneur, disait d’Argenson à Philippe d’Orléans, il y a des personnes qui vont clabaudant tout haut que le feu roi Louis XIV était un banqueroutier et un voleur ; je vais les faire arrêter et jeter dans un cul de basse-fosse. — Vous n’y entendez rien, répondit le régent ; il faut payer les dettes du défunt, et ces gens-là se tairont. »

Dans les bâtiments surannés de la Préfecture, tout est calme ; rien ne rappelle l’animation excessive de l’Hôtel de Ville. La vieille construction, si bizarrement coupée par les nécessités du service, a un air réservé qui tient à son grand âge, et que ne justifie en rien l’accueil ouvert et cordial qui vous attend. Chose étrange ! dans cette maison, que l’on se figure volontiers pleine de sourdes machinations, chacun semble, comme Gœthe, demander « de la lumière, encore plus de lumière ! » À toute question, on répond par le document même : « Voici les chiffres, voici les rapports, voici l’attaque, voici la riposte, voici les éléments de la vérité, débrouillez-la ; nous, nous faisons pour le mieux, et nous nous lavons les mains du reste. »