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§ 2. — Doléances contre le privilége des voitures de la cour.

Le privilége exclusif d’avoir des voitures publiques qui conduisent de Paris à Versailles, et dans tous les endroits où réside la cour, a été accordé, moyennant un fermage annuel de douze mille livres payables à la recette du domaine de Versailles.

Au moyen de cette somme, le fermier a le droit de nous empêcher d’aller partout où la cour réside, sous peine de confiscation de nos voitures et de 1 500 livres d’amende.

Ce privilége, tout gênant et tout odieux qu’il puisse être, serait encore supportable, si les fermiers ne lui avaient pas donné une extension désastreuse.

Nous allons rapporter quelques exemples de vexations.

1o Quand le privilégié prévoit qu’il n’est point en état de faire seul son service, il envoie sur les places publiques des officiers de police qui, sans examiner si nos chevaux sont en état ou non d’aller à Versailles, et sans égard pour le service de Paris, forcent nos cochers de se rendre dans la cour du Bureau.

Là, nos voitures attendent quelquefois trois ou quatre heures. Si le privilégié peut s’en passer, il les renvoie sans aucune indemnité, car il fait toujours partir les siennes de préférence. S’il les emploie, voici son compte à notre égard : il reçoit des voyageurs, tant pour aller que pour revenir, 28 livres par chaque voiture de quatre places ; il ne nous en rend que la moitié. Conséquemment, il gagne à nos dépens 14 livres par voyage.

Il arrive souvent que le privilégié emploie de cette manière trois cens de nos voitures. Ansi, chaque jour de presse, nous lui procurons environ 4 200 livres de bénéfice.

Si, par hasard, nous revenons à vuide, il ne gagne sur nous que 40 sols, et il ne nous paye que 12 livres pour avoir exposé nos chevaux à une course excessive et quelquefois mortelle. Enfin, s’il prévoit avoir besoin de nous pour le lendemain, il nous force de passer la nuit à Versailles, et, dans le dernier cas, il ne nous paye souvent que 6 livres pour notre retour à Paris.

2o Pour notre propre compte, la liberté d’aller à Versailles, à Saint-Germain, Marly, etc., nous est interdite ; il faut acheter la permission moyennant 6 livres par chaque voiture.

Nous allions autrefois librement à Saint-Cloud ; à présent il faut une permission qui coûte 5 livres, excepté les fêtes et dimanches, qui sont restés francs.

Toutes les fois qu’il y a à la cour des cérémonies qui attirent la curiosité, il part de Paris plus de cent de nos voitures, munies de la permission, et chacun de ces jours de presse procure encore au privilégié un bénéfice de plus de 600 livres.

Durant la tenue des états généraux, combien de nos voitures,