Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/91

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chargés de cette tâche, qui serait dangereuse pour toute vertu mal forgée. Le service des chargements de l’hôtel des postes occupe vingt-trois employés sous les ordres d’un commis dirigeant, au traitement de 3 600 francs. L’ensemble des émoluments de ces vingt-trois agents représente 48 800 francs, soit 2 087 francs par tête. Or le travail qu’exige la manipulation des trois millions quotidiens qui passent dans ce bureau est rémunéré par la somme quotidienne de 131 fr. 50. L’écart est profond, si profond, qu’il cause une surprise involontaire ; mais ces hommes dont le salaire paraît dérisoire en présence de ce Pactole qui coule incessamment à travers leurs mains, restent impassibles, fermés à toute tentation malsaine, tant ils portent loin le juste sentiment du devoir professionnel. Je les comparerais volontiers à ces dragons dont a parlé le moyen âge : ils gardent des trésors, les protègent et n’y touchent jamais.

Tous les différents services dont je viens d’essayer d’expliquer le mécanisme ont été établis, en 1867, au Champ de Mars, pendant la durée de l’Exposition universelle. Des cabanes en bois spacieuses, construites dans le jardin, ont servi de bureaux aux employés, qui ont eu 805 962 objets à manipuler. Neuf boites placées sur différents points de l’immense rotonde étaient levées de deux heures en deux heures par dix-sept facteurs qui en opéraient immédiatement la distribution. Les exposants correspondaient entre eux dans l’intérieur même du palais, à l’aide de la poste. Le personnel avait été choisi avec soin parmi les agents connaissant les langues anglaise, allemande, italienne, portugaise, espagnole ; de plus, on avait découvert, je ne sais où, un homme étrange, polyglotte extraordinaire, qui aurait rendu des points à ce cardinal Mezzofanti que ses collègues du Sacré Collége appelaient, en plaisantant, le cardinal Pentecôte ; cet interprète universel avait été attaché au