Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/161

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denrée. À la barque ! veut dire : Voilà des huîtres, À la coque ! indique des œufs. La violette ! signifie qu’il y a des éperlans à vendre. Au gros cayeux ! annonce des moules, et bien des marchandes, ignorant l’origine de ce mot de terroir, crient sans s’occuper de la science des étymologies : Au gros caillou ! au gros caillou !

Ces marchands, qui vaguent ainsi un peu partout, sont soumis à une réglementation sévère ; on a tracé autour de chaque marché une zone de 100 mètres dans laquelle il leur est interdit de faire le commerce ; ils ne peuvent stationner dans les rues, et de plus on leur prescrit l’itinéraire qu’ils doivent suivre dans leur tournée journalière. Ceci peut sembler excessif, nulle mesure pourtant n’est plus juste ; le fait qui l’a déterminée en fournira la preuve. Aussitôt que le décret d’annexion eut fait entrer dans Paris les communes suburbaines, les marchands ambulants qui desservaient la banlieue abandonnèrent leur ancien parcours, quittèrent les quartiers pauvres qu’ils alimentaient, et, cherchant de meilleurs bénéfices, descendirent au cœur même du Paris opulent. Le résultat ne tarda point à se faire sentir ; les pauvres gens virent du jour au lendemain changer leurs conditions d’existence. Forcés d’aller eux-mêmes au marché, ils firent entendre des plaintes qu’on écouta. Si la permission de vendre des denrées alimentaires sur la voie publique est une sorte de privilège accordé par l’autorité, cette dernière a le droit d’imposer certaines charges en compensation. C’est ce que l’on fit. Du moment que les marchands ne rendaient plus à la population l’espèce de service démocratique qu’on attendait d’eux, qu’au lieu de distribuer les subsistances dans chaque partie de la ville, ils se portaient tous dans les centres riches, on était en droit de modifier les règlements spéciaux auxquels ils sont tenus d’obéir.