Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/182

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voyants, et un décret du 12 mars 1860 nomma un directeur général des manufactures de tabacs.

La mesure était excellente : on put le reconnaître promptement en voyant la nouvelle administration s’efforcer de donner satisfaction aux goûts du public et réaliser d’importantes économies dans l’emploi des matières premières, ainsi que dans les frais de manutention. À l’origine du monopole, la fabrication des tabacs était empirique ; de vieux contre-maîtres, ayant précieusement conservé la tradition des ateliers, indiquaient les procédés, les faisaient mettre en œuvre et restaient bouche béante devant tout cas anormal qui se présentait, ne sachant comment résoudre un problème imprévu. Chaque fabrique avait ses habitudes et n’en voulait changer ; les mêmes espèces, traitées de la même manière, produisaient des résultats opposés ; on n’était jamais certain de retrouver les qualités qu’on recherchait : bon aujourd’hui, le tabac était exécrable huit jours après, quoiqu’il sortît de la même manufacture et fût composé des mêmes éléments. À cette heure, il n’en est plus ainsi, et tout ce qui concerne la production du tabac, depuis le semis des graines jusqu’à l’emballage de la poudre ou du scaferlati[1] arrivés à l’état parfait, est conduit scientifiquement.

L’État a un intérêt puissant à ne fournir que des produits de premier ordre qui, excitant à la consommation, accroissent le revenu de l’impôt ; d’autre part, il a com-

  1. Scaferlati est le nom technique et administratif du tabac à fumer. D’où vient ce nom ? Selon les uns, c’est la dénomination que les Levantins donnaient à une sorte de tabac qu’on expédiait de Turquie ; selon d’autres, c’est le nom d’un ouvrier italien qui, travaillant à la Ferme dans la première moitié du dix-huitième siècle, inventa un nouveau procédé pour hacher le tabac. J’avais cru un instant être sur la voie. D’après quelques indications vagues, j’avais pensé que Scaferlati était le nom d’un négociant de Livourne, qui, pendant le siècle dernier, avait obtenu du grand-duc le droit exclusif de vendre du tabac en Toscane. Des recherches faites à Livourne n’ont amené aucun résultat, et je ne puis, à mon vif regret, pénétrer ce petit mystère étymologique.