Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/185

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tériel et le personnel grèvent notre budget d’une somme de 17 200 francs. Il est difficile d’agir avec plus d’économie. Une partie de l’installation néanmoins paraît suffisante ; le laboratoire, où tous les fourneaux sont alimentés par le gaz, est très-grand, outillé d’une façon convenable et a vu distiller plus de poisons que les Exili et les Borgia n’en rêvèrent jamais. Parfois, dans cette large salle où les murs en carreaux de faïence blanche renvoient une lumière à la fois douce et puissante, on amène un lapin trop confiant ou un chat lâchement attiré par un morceau de mou. Une baguette de verre trempée dans la nicotine et appliquée sur la glande lacrymale du lapin le foudroie presque instantanément ; la même opération faite dans la gueule du chat détermine chez ce dernier un état nerveux indescriptible. Il s’arrache littéralement la langue à coups de griffe pour se débarrasser de cette saveur acre et brûlante ; puis les convulsions le prennent, le secouent par bonds prodigieux et le tuent dans une attaque de tétanos. Du reste, ce supplice n’est pas long, et en moins de deux minutes la vie si particulièrement persistante des félins est éteinte.

Ce sont là, on peut le croire, les expériences exceptionnelles. Ordinairement le laboratoire est fort calme : un homme, sérieux et réfléchi, est penché au-dessus d’un matras et surveille attentivement un mélange bouillonnant que n’auraient point répudié les antiques sorcières de Campanie ; des jeunes hommes, vêtus de longues blouses blanches, s’occupent autour de quelque cornue de forme baroque ; par les fenêtres ouvertes, on entend les oiseaux qui chantent sur les arbres du quai d’Orsay ; il y a de la poussière partout, et les araignées, que nul ne dérange, filent paisiblement leur toile à l’angle des plafonds.

Dans toute école il faut un amphithéâtre, pour que