Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/27

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l’on en pendit un pour l’exemple. Le lendemain, le cardinal Fleury, passant place Maubert, vit son carrosse entouré par une foule famélique qui criait : Du pain ! du pain ! Il jeta sa bourse et put s’échapper. Quant au parlement, il s’assembla, discuta longuement, interrogea tous les magistrats de police, et après une savante délibération prit enfin le grand parti (décembre 1740) d’interdire la fabrication des galettes pour le jour des Rois. Ceci n’était que puéril, mais voici qui est cruel : il ordonna que, par la force, on expulsât tous les pauvres de Paris.

En 1745, le duc d’Orléans eut cette hardiesse, entrant au conseil, de jeter sur la table devant le roi un pain de fougère et de dire : « Voilà de quoi vos sujets se nourrissent ! » Louis XV le savait bien et n’ignorait pas à quel degré de misère son peuple était descendu. Un jour qu’il était à la chasse, il avisa un homme qui péniblement portait sur son dos une longue boîte en bois : « Que portes-tu là ? — Un mort. — Mort de quoi ? — De faim ! » Le roi tourna bride et ne dit mot. En dépit de tels avertissements, Louis XV restait indifférent et laissait faire. S’il sort de son indolence habituelle, c’est encore à propos du poisson de mer. Les chasse-marée, depuis leur point de départ jusqu’à leur arrivée à Paris, ne pouvaient sous aucun prétexte déballer et vendre leurs marchandises. En 1753, un ordre royal leur permit de s’arrêter à Pontoise pour fournir du poisson au parlement qu’on y avait exilé.

Cependant certains hommes plus clairvoyants que les autres réclamaient la libre circulation des céréales ; quelques chambres de commerce, Tours (1761), Montauban (1762), essayaient par des mémoires de démontrer l’absurdité coupable du régime prohibitif. Une sorte de lueur fugitive semble éclairer alors l’esprit des ministres. Le 12 janvier 1764, M. de Laverdy, contrôleur gé-