Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/69

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tricotent en attendant les pratiques ; est-ce un marché public, est-ce un magasin insuffisamment garni ? On peut s’y tromper.

Malgré tous les efforts de l’administration, on n’est jamais parvenu à retenir dans l’enceinte même de la Halle aux Blés les marchands de grains et de farines, les minotiers et les boulangers. C’est dans la rue de Viarmes, dans les cafés voisins qu’ils se tiennent, débattent leurs intérêts et font leurs affaires. Dire le chiffre de ces dernières est impossible, car le grain, comme toute denrée de consommation indispensable que le temps ne détériore pas, est devenu un objet de spéculation au lieu de rester ce qu’il devrait être, le plus respectable des objets de trafic. Les hommes qui se réunissent là autour de cette vaste rotonde les lundis, mercredis et samedis, sont en général des agioteurs bien plus que des commerçants. On achète des farines avec report et fin courant, comme ailleurs on fait des opérations sur des valeurs fictives. Les différences se payent sans que la marchandise ait été livrée ou même entrevue, et il peut se trouver tel négociant en grains qui se soit enrichi ou ruiné sans avoir jamais fait glisser dans ses mains une poignée de seigle ou de froment.

Certaines farines dont la provenance est notoire sont plus recherchées que les autres et trouvent immédiatement un débit assuré. Ce sont les farines dites des quatre marques, dont chacune représente la marque d’un meunier spécial. On en a, il y a dix ans environ, adopté quatre autres, ce qui porte les farines demandées, on peut même dire célèbres, à huit marques. Dés qu’une partie de farine a été déposée dans un magasin, le fait de ce dépôt est constaté par un bulletin de récépissé connu sous le nom de filière. Ce bulletin devient dès lors l’objet même de la spéculation ; selon que les farines sont en hausse ou en baisse, il acquiert ou perd de