Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/16

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Il est une sorte de hangar tout rempli de guenilles, qu’ils appellent la confection, et où ils vont plus volontiers qu’ailleurs choisir des hardes de hasard ; ce magasin est situé à la limite de l’ancien Paris, dans un quartier assez mal hanté, et se distingue par une pancarte sur laquelle on peut lire : Aux deux drapeaux ; le père Rigolo habille un homme des pieds à la tête pour 1 fr. 90 cent. Bien souvent c’est l’attrait de la toilette, — et quelle toilette ! — qui entraine les femmes au crime. Dans la nuit du 21 au 22 septembre 1846, une veuve nommée madame Dackle, assez riche, fut assassinée rue des Moineaux, n° 10. Après bien des recherches, on finit par s’emparer de tous les coupables, parmi lesquels se trouvait une femme Dubos. Quand on lui demanda pourquoi elle avait aidé au meurtre, elle répondit simplement : « Pour avoir de beaux bonnets ! »

Parfois le mobile du crime est tellement étrange, qu’il déjoue toute prévision et dépasse toute croyance. Un valet de chambre du marquis de H… avait la passion des primeurs et du linge blanc, passion qu’il pouvait largement satisfaire, grâce à un gage de 6 000 francs, sans compter les profits et la défroque. Il avait une fille pour laquelle, tant qu’elle fut très-jeune, il payait une pension modique. L’enfant grandit et vint habiter chez son père, auquel elle occasionna une dépense qui le força à se restreindre dans ses goûts dominants. Pour pouvoir continuer à manger des petits pois et des asperges au mois de mars, pour avoir toujours sur lui du linge irréprochable, pour mettre fin aux privations que la présence de sa fille lui imposait, il ne trouva d’autre moyen que de faire disparaître cette malheureuse : il la tua ; on plaida l’aliénation mentale ; il n’en fut pas moins condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Chez ces êtres malsains il existe parfois de singulières délicatesses. Vers 1833, Lacenaire, qui avait une