Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/168

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cles matériels qui l’enveloppent ; mais dans certaines occurrences il faut lutter contre des esprits retors, rapides à la riposte, ne se laissant point démonter et trouvant réponse à tout. L’habileté la plus aiguë, la connaissance approfondie du cœur humain, l’art de dérouter les mensonges et de ressaisir le fil indicateur au milieu d’un tissu d’allégations fausses, mais plausibles, toutes les ressources d’un cerveau cultivé ne sont pas de trop pour amener à résipiscence ces êtres fourbes et rétifs. Dans le huis clos de ces interrogatoires préliminaires, il y a eu des batailles de finesse et d’arguties à rendre jaloux les Grecs du Bas-Empire.

Les criminels familiarisés avec la justice savent bien qu’en réalité leur sort est entre les mains de cet homme vêtu d’une redingote et qui, les mains dans ses poches, se promène de long en large, tout en faisant des questions, dont l’apparente bonhomie cache peut-être un piège. Ils savent que plus tard, lorsqu’ils arriveront aux solennelles audiences de la cour d’assises, ils pourront rétracter ce qu’ils ont dit dans le cabinet du juge d’instruction, mais ils savent encore que tout aveu fait en sa présence sera opposé à leurs dénégations et que dans ces sortes de drames le dénoûment est contenu en germe dans l’exposition. Aussi ils discutent, ils regimbent, et, bien plus encore que devant le jury, affirment leur innocence. Il est bien rare cependant qu’on n’arrive pas à les vaincre et à les accabler sous des preuves tellement évidentes, qu’ils sont forcés d’avouer. Il faut, lorsque l’on rencontre de ces natures si profondément rebelles, une persistance invincible, il faut surtout ne jamais se laisser emporter ; un acte de colère, ne se trahirait-il que par un mot, est une preuve de faiblesse, dont le criminel sait bien vite s’emparer. On parle de la patience des anges, je doute qu’ils en aient autant que les juges d’instruction. À force d’obsessions, d’adjura-