Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/303

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faites pas mal, monsieur, je vous en prie ; si l’on voit que je souffre, je serai encore plus déshonoré. » Les assistants s’entre-regardèrent et l’un d’eux dit involontairement : « Ah ! c’est bien long ! »

Ensuite on lui lia les deux bras, à la hauteur des biceps, de façon à les maintenir contre le dos et à effacer les épaules ; puis on réunit la ligotte des jambes à celle des poignets par une longue courroie. Ainsi attaché, l’homme le plus robuste, le plus violent est neutralisé. La longueur des pas qu’il lui est permis de faire est calculée ; elle est inférieure à celle d’un pas normal ; s’il essayait de fuir ou de résister, à son premier mouvement un peu vif, il tomberait la face en avant. Du reste, qui penserait à se révolter dans un moment pareil ? Le misérable, vaincu, désagrégé, ne se sent-il pas écrasé sous le poids de l’édifice social tout entier ? On le fit rasseoir. L’aide prit ses ciseaux ; il échancra circulairement la chemise pour mettre à découvert le cou et la naissance des épaules ; puis il tailla les cheveux de la nuque, proprement, avec soin, enlevant chaque mèche après l’avoir coupée et la jetant par terre. Pendant ce temps, l’aumônier, debout devant l’homme, lui lisait à demi-voix une prière en français dont quelques mots parvenaient aux assistants : — Miséricorde infinie, — repentir, — contrition, — qui a souffert, — qui est mort pour nous. Le malheureux écoutait avec calme et recueillement ; il n’avait pas bronché quand le froid des ciseaux avait touché sa chair.

L’aide fit un geste pour indiquer que les préparatifs étaient terminés ; le prêtre s’interrompit. L’homme dit alors : « Je prie le monsieur de me couper une mèche de cheveux que M. l’aumônier enverra à mon frère. » L’aide abattit une touffe bouclée prise sur le sommet de la tête et la remit au prêtre, qui la serra dans le livre qu’il tenait à la main. « Où demeure votre frère ? »