Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/339

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depuis l’âge de quatre ans ; qui veut tuer sa mère pour avoir de beaux habits et plaire aux hommes ? Le rapport de cette affaire, qui a fortement préoccupé la police en 1825, est un des récits les plus navrants qu’on puisse lire[1].

La plupart arrivent de la province, de la campagne. Elles ont entendu dire qu’à Paris on gagnait de l’argent ; elles ont l’exemple de celle-ci et de celle-là qui est revenue au village avec un petit magot ; elles sont parties vertueuses peut-être, à coup sûr sans idée préconçue de corruption. Elles sont entrées comme filles de cuisine, comme bonnes à tout faire dans quelque ménage parcimonieux ; les amies les ont entraînées ; elles ont été au bal, elles y ont fait une connaissance ; tout a mal tourné, les maîtres l’ont su, elle a été chassée, sans certificat, sans ressources ; elle a lutté quelque temps, a vécu de hasards ; elle a honte, et n’ose plus retourner au pays ; à bout de courage et de résolution, elle ferme les yeux et met le pied sur la pente qu’on ne remonte pas.

Il y en a qui, jeunes, charmantes, aptes à toutes les œuvres du bien, ont horreur de la pauvreté, reculent à cette pensée qu’elles seront la femme d’un ouvrier, qu’il faudra travailler, porter d’humbles vêtements, faire la cuisine, soigner les enfants ; elles ont rêvé je ne sais quelle existence de princesse des Mille et une nuits, elles ont la haine de leur infime condition ; celles-là sont farouches dans le mal ; elles n’y glissent pas, elles s’y précipitent. Une de ces misérables abandonnées d’elles-mêmes, orpheline, âgée de vingt ans, toute pleine de fraîcheur et de grâce, absolument inconnue à la

  1. Si je ne me trompe, l’enfant dont il est question fut l’objet d’une des plus curieuses observations d’Esquirol. (Voir des Maladies mentales, par E. Esquirol. 2 vol. in-8. J.-B. Baillière, 1858 ; t. I, p. 285-286, de la Monomanie.)