Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/87

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Ce n’est pas tout de surveiller la voie publique et d’assurer l’exécution des règlements de police, il faut connaître cette population flottante, sans domicile fixe et avoué, qui se déplace avec une facilité extrême et offre presque invariablement les éléments les plus nombreux aux statistiques criminelles. Le service spécial des garnis est chargé de cette besogne, qui parfois est assez délicate, et dont l’expérience a constaté l’utilité. Une ordonnance du 15 juillet 1832 contraint les logeurs, sous peine d’encourir l’application des articles 475 et 478 du Code pénal, à tenir un registre sur lequel ils inscrivent le nom et la profession de tous les individus qui prennent demeure dans leur maison. Chaque jour, 156 agents parcourent, selon un itinéraire indiqué, les quatre-vingts quartiers de Paris et relèvent le nom de toutes les personnes mentionnées sur le livre de police qu’ils frappent d’un visa indicatif. Il n’y a point d’exception à cette règle. Les agents visitent aussi bien les maisons meublées de la rue de Rivoli que les taudis de la rue de Venise[1]. On connaît ainsi les entrées et les sorties quotidiennes, et l’on a une idée très-nette de cet énorme mouvement de va-et-vient qui se fait dans les auberges parisiennes.

Chaque nom, inscrit sur une fiche séparée, est adressé à un bureau administratif qui, cataloguant ces bulletins et les rangeant par ordre alphabétique, est toujours prêt à dire si tel individu recherché figure sur la liste des garnis. Une vieille habitude monarchique assez puérile subsiste encore : on dresse une feuille particulière pour les notabilités arrivées dans la journée, comtes, marquis, hobereaux français et étrangers, généraux, magistrats, et on l’envoie au préfet de police, qui la fait

  1. Sous Louis XIV, la rue de Venise était habitée par des banquiers qui faisaient le négoce d’or, d’argent et d’étoles apportées d’Orient par la voie d’Italie. C’est actuellement une ruelle sordide, occupée par les repaires et les bouges les plus mal famés.