Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/178

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de l’aveugle du Puiseaux et celui de Saunderson, dont Diderot a parlé, qui avait imaginé une véritable machine à calculer à Cambridge, où il était professeur de mathématiques ; mais il était surtout attiré par une demoiselle Paradis, née à Vienne en Autriche, pianiste assez remarquable, et qui était alors fort à la mode à Paris, où elle était arrivée en 1783. De larges pelotes en forme de volume in-quarto, dans lesquelles elle piquait des épingles, lui servaient à noter les sonates qu’on lui dictait, et qu’ensuite elle apprenait par cœur à l’aide de ses doigts. Ses connaissances en géographie étaient assez étendues ; elle les devait à un nommé Weissenbourg, aveugle de Manheim, homme ingénieux qui avait fait confectionner pour lui des cartes en relief, où les limites des États étaient indiquées par des chenilles de soie, les villes par des perles de différentes grosseurs, les mers par un verni très-poli, les terrains par du grès pilé. Mademoiselle Paradis excitait une grande curiosité ; la lettre de Diderot sur les aveugles était encore dans toutes les mémoires ; Valentin Haüy s’appropria une partie de ces procédés, qu’il ignorait, il les développa et, tant par expérience que par invention, il créa sa méthode. Telle qu’elle est, elle nous paraîtrait bien primitive, car elle a été singulièrement améliorée ; elle n’en est pas moins l’œuf même, car elle contenait en germe tous les perfectionnements qui la rendent si précieuse aujourd’hui.

Haüy commença par déterminer le caractère dont la forme est le plus facilement perceptible au toucher ; il élimina le romain, qui est carré et amène des confusions entre certaines lettres, telles que l’m, l’n, l’u ; il rejeta l’italique, dont les longues queues et l’attitude penchée peuvent être une cause d’erreur, et il s’arrêta à une bâtarde droite, qu’on appelait alors l’écriture française et à laquelle nous devons les beaux manuscrits du