Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/323

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vers lui qu’on essaya de diriger la pente des égouts que l’on creusait, tant bien que mal, pour débarrasser la ville des eaux croupissantes qui l’empoisonnaient. Sauval cite les noms des cloaques : le trou Bernard, le trou Gaillard, le trou Punais ; c’est d’un seul mot nous dire ce qu’ils pouvaient être[1].

Le premier magistrat royal qui s’occupa intelligemment des égouts dans un intérêt d’assainissement fut Hugues Aubriot, que Charles V avait appelé à la prévôté et à la capitainerie de Paris. La nouvelle enceinte[2] dont on enveloppait la ville ayant englobé en partie la rigole fangeuse qui portait les eaux du quartier Montmartre au grand égout, Aubriot fit voûter celle-ci et la revêtit de maçonnerie ; c’est le premier égout couvert que nous ayons possédé. L’infection de ces « trous » était telle qu’en 1412 l’hôtel Saint-Paul, résidence du roi, était devenu inhabitable à cause des émanations d’un égout que l’on nommait le Pont-Perrin et qui, formant mare sur le terrain actuel de la place Birague, s’écoulait dans les fossés de la Bastille. On le détourna

  1. Je copie Sauval (Antiquités de Paris, t. I, p. 253) ; mais ce n’est certainement pas « le trou Bernard » qu’il faut lire ; on a joué sur le mot, et l’on a fait un nom propre d’un adjectif qualificatif dont la signification se devine aisément.
  2. Chaque fois que l’on reculait la limite de l’enceinte fortifiée, on réunissait au territoire de Paris les dépôts de voirie où les habitants étaient tenus d’aller jeter les immondices et qui maintenant, couverts de constructions, appartiennent à la configuration même du sol parisien. C’est ainsi que successivement on absorba cette portion orientale de la Cité qu’on appelait indifféremment : le terrain ou la motte aux Papelards ; — l’amas Saint-Gervais, où est l’église de ce nom ; — les éminences de la rue Baillif et de la rue Montmartre ; — la longue colline sur laquelle est bâtie la rue Meslay ; — la butte des Copeaux, où serpente le labyrinthe du Jardin des Plantes ; — le monticule sur lequel s’élève l’église Bonne-Nouvelle ; — la butte des Moulins, qui a conservé ce nom et d’où Jeanne d’Arc adjura vainement les Parisiens pendant l’assaut infructueux du 8 septembre 1429. Tous ces exhaussements de terrain, ainsi que ceux que l’on remarque rue Saint-Guillaume, rue de l’Estrapade, ceux que le nivellement des boulevards a fait disparaître près des portes Saint-Denis et Saint-Martin, sont factices et furent autrefois les dépôts d’immondices de la grande ville.