Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/343

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sort de la rue de l’École-de-Médecine pour déboucher sur le boulevard Saint-Michel.

Tout le monde est arrivé, on amène les wagons remisés dans le grand collecteur, on les fait pivoter sur des plaques tournantes, comme dans une gare de chemin de fer, et on les met dans l’axe de l’égout Rivoli, dont les deux trottoirs sont armés de bandes métalliques faisant office de rails. Des lampes brûlent aux quatre coins des wagons, qui sont découverts et garnis de bancs en canne tressée. On s’assoit, les femmes ont un peu peur ; s’il y a des pick-pockets, ils courent quelques risques de mésaventure, car je reconnais un agent du service de sûreté qui s’installe de façon à mieux voir les promeneurs que la promenade. Un coup de sifflet donne le signal, et l’on part. Deux hommes à l’avant, deux hommes à l’arrière, les mains appuyées sur une barre de bois transversale, prennent leur course, et très-grand train font rouler le wagon qui bruit au-dessus de la cunette. La rapidité du mouvement détermine un courant d’air frais qui frappe au visage. On va vite sous une voûte obscure, c’est à peu près tout ce que l’on peut remarquer ; du reste nulle odeur fâcheuse : à peine, en passant sous les casernes du Louvre, a-t-on perception d’une senteur ammoniacale un peu accentuée. La marche est ralentie, on arrive place de la Concorde, à l’endroit où l’égout Rivoli apporte « le tribut de ses eaux » au grand collecteur.

On descend sur la banquette, et l’on aperçoit une flottille de cinq ou six bateaux peu pavoisés, mais éclairés d’une lampe ; on s’y embarque, et, sous la conduite de « mariniers » vêtus d’une blouse bleue, on gagne au fil de l’eau la chambre de la place de la Madeleine. On gravit l’escalier, et l’on sort au milieu des badauds, qui paraissent extraordinairement surpris. Il faut croire qu’une navigation, si courte et si prosaïque qu’elle soit,