Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/359

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si ce n’est le parfum pénétrant des absinthes, des camomilles et des sauges. Un parfumeur célèbre de Paris a établi là une grande usine ; il a loué des terres et y cultive, entre autres plantes odorantes, la menthe poivrée, que nous étions obligés de demander à l’Angleterre, qui la récolte dans les marais de la Tamise. L’ardeur de production que développent ces terrains ainsi arrosés est si puissante, que l’asperge, ce légume paresseux par excellence et qui partout demande trois ans et même quelquefois cinq ans pour être en état de paraître sur nos tables, arrive en deux ans à peine à maturité parfaite. Les betteraves semblent empruntées à ces jardins des Mille et une Nuits où les oranges sont grosses comme des melons : elles pèsent ordinairement 8 kilogrammes ; j’en ai vu deux exceptionnelles qui en pesaient 14. Les artichauts, les choux, les rhubarbes prennent promptement des proportions colossales. Au printemps de 1872, quelques jardiniers piquèrent des laitues ; on en expédiait environ trois mille pieds par jour aux halles de Paris ; malgré cette consommation, l’activité de la croissance était si vive, que la plupart montèrent en graines, ne purent être vendues et furent inutiles pour l’alimentation[1]. J’ai vu là, aux premiers jours du printemps, des arbres fruitiers qui littéralement ployaient sous le poids des grappes de fleurs dont ils étaient chargés ; on a semé des céréales, et, sur les cailloux où quelques pauvres orties mouraient de faim et de soif autrefois, les champs de blé ressemblent à des taillis. Au milieu de ces sables déserts et troués de quelques carrières béantes, il semble qu’un village se forme : trente-quatre maisons déjà construites serviront de centre à un groupe

  1. La production est telle, que l’on obtient facilement 70 000 kil. de choux, 60 000 de carottes, 150 000 de navets par hectare. Voir Situation de la question des eaux d’égout et de leur emploi agricole en France et à l’étranger, par Alfred Durand-Claye ; Annales des ponts et chaussées, t. V, p. 85.