Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/43

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nées ; les enchères y sont soutenues, et l’homme malavisé qui viendrait là pour faire une bonne affaire en serait pour ses frais, car tous ces marchands s’entendent, — c’est la bande noire, dit-on, — et ne laissent acheter par personne, quittes à partager le préjudice entre eux. Un lundi matin vers dix heures, on met en vente des casseroles, des poêlons, des chenets ; celui qui « donne » à ce moment, qui est maître du marché, c’est l’auverpin, c’est-à-dire l’auvergnat, étameur et chaudronnier. Le cuivre est épuisé, on apporte un lot de livres : le coutançais passe au premier rang, car il a quelque part dans un passage, sur les quais, dans le quartier des écoles, un étalage pour les bouquins. Les livres ne durent pas longtemps, on jette quelques paquets : des femmes de marchands d’habits s’avancent alors, et de leurs gros doigts bouffis, chargés de bagues prétentieuses, manient les draps, les défroques de toute espèce, les nippes de toute sorte avec une dextérité sans pareille. S’il se trouve quelque instrument de musique, la grande plaisanterie consiste à l’essayer, et lorsque l’on peut tirer un couac d’une clarinette, tout le monde éclate de rire. Le tour des matelas arrive, on les découd, on tâte, on flaire la laine ; il y a un mot que j’hésite à dire, mais qui fait image et mérite, malgré sa brutalité, de n’être point passé sous silence ; dans l’argot de ce monde-là, vendre des matelas se dit : balancer la punaise.

Les diamants, les montres, l’argenterie, le plaqué, atteignent de hauts prix ; d’autres objets sont absolument dédaignés : j’ai vu vendre des planches de musique gravées pour la valeur de l’étain. Les vêtements, qui sont très-nombreux, n’ont point du tout l’aspect misérable auquel on pourrait s’attendre ; ils gardent au contraire quelques restes d’élégance et de finesse, comme s’ils avaient été engagés par un étudiant, par