Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/51

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20 francs, et voici ce qui se passe invariablement : l’article dégagé gratuitement est immédiatement réengagé ; on dégage à une porte, et on réengage à l’autre. En admettant que 4 000 nantissements puissent être rendus le matin, avant la fin de la journée le Mont-de-Piété en a certainement repris les trois quarts. Cela prouve, dira-t-on, que ces gens-là ont, avant tout, besoin d’argent ; — sans doute ; — mais cela prouve aussi que dans les cabarets les pièces de cinq francs sont une monnaie qui a plus facilement cours que les matelas et les vieux paletots. L’alcoolisme, qui peuple nos asiles d’aliénés et remplit nos prisons, entre pour une proportion très-appréciable dans le mouvement du Mont-de-Piété. Si aux jours de dégagements gratuits on remettait directement l’argent aux porteurs de reconnaissances, il est fort probable que nul de ceux-ci ne se présenterait au Mont-de-Piété.

Il est un autre genre de clientèle, fort heureusement minime et bien surveillée, qui cherche à tirer du Mont-de-Piété des bénéfices illicites ou qui le prend volontiers pour une maison de recel, et dont il faut bien parler : ce sont certaines espèces de voleurs. La justice et la préfecture de police ont des rapports fréquents avec le Mont-de-Piété ; quand un vol est dénoncé, la désignation de l’objet disparu est envoyée à l’administration, qui fait faire dans ses magasins, sur ses registres d’engagements, des recherches qui aboutissent quelquefois. Ceux qui s’adressent au Mont-de-Piété sont des voleurs naïfs ou des voleurs spéciaux, car la plupart des malfaiteurs ont leurs receleurs et des brocanteurs attitrés.

Les bureaux du Mont-de-Piété ont parfois aidé à découvrir des faits étranges dont les auteurs étaient dans une telle situation sociale que nul n’aurait osé les soupçonner. En 1856, sept ans avant le décret impérial qui