Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À cet égard, ce n’est point mon opinion que je me permets de donner, je n’en ai pas et n’en puis avoir ; c’est celle du prince Antoine de Radziwill, du comte Alten, du baron de Loe, tous trois généraux de division ou commandants de corps d’armée. Tous les trois, consultés par moi séparément et à époques différentes, m’ont répondu : « Il eût fallu décamper, quitte à revenir, après avoir refait notre matériel. » Chanzy, auquel j’avais transmis cette réponse, m’a répliqué : « Quand on est parti, on ne revient pas. » En somme, le plan de Trochu a été dédaigné, le plan de Gambetta a produit une série de défaites, le plan de Chanzy n’a même pas été accueilli. On peut avouer que, dans ses opérations militaires, la République ne fut pas plus heureuse que l’Empire.

Après l’inutile tentative de Champigny, notre défaite devant Orléans et la prise de Rouen, l’Allemagne crut que l’heure était enfin venue de traiter et elle fit une démarche détournée — une invite — auprès du général Trochu. Le comte de Moltke lui envoya un officier en parlementaire, pour lui faire savoir que les troupes allemandes s’étaient de nouveau emparées d’Orléans et que l’armée de la Loire battait en retraite. Trochu reçut la communication et congédia le messager, sans prononcer une parole qui pût ressembler à une ouverture pacifique. On ne s’était point mépris cependant. Le général Schmitz, qui était chef d’état-major du gouverneur de Paris, m’a dit : « On nous a tendu la perche, nous n’avons pas voulu la saisir. » Le général de Malroy a demandé à Trochu, qui savait mieux que personne que nous touchions à nos fins, pourquoi il s’était refusé à comprendre dans quelles intentions un message lui avait été adressé. La réponse est singulière : « J’ai mon bon renom à défendre dans l’histoire, et je ne veux pas être accusé, comme Marmont, d’avoir livré Paris. » Pardon, mon général, le duc de Raguse n’a jamais été accusé d’avoir livré Paris. Conjointement avec Mortier, il a signé la capitulation du 30 mars, sur l’ordre exprès du roi Joseph, président du gouvernement de la régence ; son crime, celui qu’on lui a reproché, est d’avoir découvert la route d’Essonnes, ce qui permettait aux Alliés de s’emparer de Napoléon, campé à Fontainebleau.

Après l’affaire de Champigny, M. de Billing, attaché au ministère des Affaires étrangères, et qui n’avait pas été oisif