Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

relations de cette guerre. Les sentiments du roi et de sa brave armée furent mis alors à une rude épreuve[1]. » La partie fut gagnée, mais qu’était-ce en comparaison de celle que nous avions perdue ?

La paix était faite ; elle eût été moins pénible à Sedan, moins dure à Ferrières, moins accablante à Versailles, le 31 octobre. Telle qu’elle était, la France était contrainte de l’accepter et l’acceptait par le vote de l’Assemblée nationale. L’effort vraiment considérable du pays, qui, jusqu’à la dernière minute et, de leur aveu même, tint les ennemis en alerte, sinon en inquiétude, l’effort inutile où nous succombâmes s’est épuisé sans résultats matériels, parce qu’il fut incohérent, parce que Paris et la province, n’ayant point combiné leurs mouvements, semblaient faire deux guerres différentes. Notre adversaire le plus redoutable ne fut point l’Allemand, ce fut, en France même, l’anarchie des esprits, l’ardeur des ambitions personnelles, les haines politiques et la dislocation administrative. Se battre au milieu du désordre moral, des compétitions, de la contradiction, des espérances follement entretenues, c’est courir au désastre. Nous le savons aujourd’hui, plaise à Dieu que nous le sachions toujours.

Le jugement que l’on porta sur nous fut sévère ; le comte John Russell semble l’avoir résumé, lorsqu’il a dit : « Les mensonges éhontés quotidiennement servis au peuple de France, les hâbleries criminelles qui l’assuraient qu’aucun soldat allemand n’échapperait à la valeur vengeresse des nouvelles armées, l’énergie tracassière du citoyen Gambetta, tout faisait pressentir un traité de paix semblable à celui que le gouvernement de M. Thiers a signé[2]. »

  1. Louis Schneider : L’Empereur Guillaume, Souvenirs intimes, revus et annotés par l’empereur, sur le manuscrit original. Trad. Paris, Berger-Levrault, 1888, 3 vol. in-8o, tome III, note de la page 233.
  2. John Russell, Mémoires et Souvenirs, 1817-1873. Trad. de l’anglais, Paris, E. Dentu, 1876, in-8o, p. 499.