Page:Du Laurens de la Barre - Fantômes bretons.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

179
LE RECTEUR DE L’ÎLE DE HOUAT


laissa tomber sur la terre, et se traînant à genoux avec cette force que la peur donne aux plus faibles, elle espérait gagner l’abri de quelque grotte retirée avant que le nouveau venu eût découvert sa présence…

— Qui va là, s’écria d’une voix rauque un homme en s’avançant à pas de loup ?… Halte-là, mille bombes ! C’est une femme qui veut se faufiler. Hein ! tu es venue ici pour nous espionner. Qui es-tu ? Tonnerre ! on n’y voit goutte. Allons, relève tes vergues et accoste, au lieu d’échouer sur le sable.

À ces mots, le bandit se mit en devoir de fixer sur le haut d’un récif une lanterne qu’il alluma aussitôt ; puis, il poussa une sorte de hurlement sauvage accompagné d’affreuses imprécations.

— Ah ! ah ! mille tonnerres ! vociféra-t-il, je la tiens ; elle est venue d’elle-même se jeter à la côte. Allons, ma jolie corvette, changez d’amures, ne gémissez pas pour si peu ; je ne suis pas un mangeur d’hommes, je pense ; on est bon enfant, ce soir, et il ne tient qu’à vous de voir l’embellie.

— Ayez pitié de moi, Corfmat, murmura la pauvre femme ; pour l’amour de Dieu, laissez-moi partir.

— Partir, veuve Morel, quitter tout de suite un vieil ami, vous n’y pensez pas. Allons, asseyons-nous gentiment et causons de nos petites affaires.

— Je n’ai pas le cœur à causer ; il est tard, laissez-moi, ou j’appelle au secours, je jette des cris…

— Bast ! c’est inutile. Aucuns cris ne pourraient sortir d’ici, franchir ces murs de roches. Calme-toi donc, ma petite, et causons raison.