Page:Du Ryer - Dynamis, reyne de Carie, 1653.djvu/87

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Un frère ambitieux, et pour nous insensible

Peut-il vivre coupable, et nous laisser paisible ?

Car enfin quand un coeur qui prend tous ces détours

Veut une fois un Sceptre, il y prétend toujours.

Puis-je aimer un amant, un amant si coupable

Sans me rendre par tout infâme et détestable ?

Puis-je ne pas venger le meurtre de mon Roi,

Sans mériter enfin qu'on le venge sur moi ?

Ô fortune ! Dis-moi si jamais aventure

A d'un coup plus étrange étonné la Nature.

J'aime par un effet du Céleste courroux,

J'aime sans y penser l'assassin d'un époux,

Et ceux dont la fureur en veut une vengeance,

Me conjurent pourtant d'être sa récompense.

Ils aiment comme moi, ce qu'ils pensent haïr,

Et veulent couronner ce qu'ils veulent punir.

Enfin je reconnais combien on le révère,

Malgré tous les efforts d'un si barbare frère,

Tout le monde l'adore, et ce n'est qu'à mes yeux

Que le sort le transforme en un monstre odieux.

Tout le monde consent, tout le monde conspire

À tout ce que je veux, à tout ce qu'il désire,

Et lui seul est ici l'obstacle malheureux,

Et de ce qu'il désire, et de ce que je veux.

Ô Dieux qui regardez dans mon âme incertaine

Tantôt mourir l'amour, tantôt naître la haine,