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NOTES.

n’eussent fait d’eux des êtres à part. Toujours en alerte pour l’attaque ou pour la défense, par leurs continuelles rivalités d’ambition, de gloire, ou d’amour, comme pour les longues et aventureuses expéditions d’outre-mer, ils ne connaissaient que la vie des camps, ses jouissances brutales, et les habitudes hautaines de chef à soldat, qu’elle donne encore aujourd’hui. Leur imputer ces torts à crime, c’est méconnaître les inévitables conséquences de temps et de mœurs, que des déclamations ne peuvent refaire.

Heureux ceux de nos rois qui, comme Louis-le-Gros, saint Louis, Charles-le-Sage, en butte aux mêmes nécessités, aux mêmes agressions, dans la lutte du grand passerage contre l’unité monarchique, et soumis aux mêmes habitudes guerrières pour raffermir leur couronne toujours vacillante, purent se préserver, par leurs sentiments vraiment religieux, par leur instruction ou leur haute philosophie, de la contagion de ces exemples !

Tel est, en général, l’effet du pouvoir, même dans nos mœurs bien plus douces, qu’il développe les désirs, et que l’absence d’un frein, en ajoutant à l’assurance qu’on tire d’une position élevée, donne souvent aux passions un essor qui peut aller jusqu’à l’abus. Pour être plus cachée, et, par conséquent, moins scandaleuse, la conduite, en général, des grands de toutes les époques, même de la nôtre, n’est peut-être pas plus régulière, et pourrait confirmer cette remarque.

Reste le peuple, dont l’existence, dans l’état de servage et d’abjection où l’on nous le représente, serait vraiment digne de pitié, si l’on pouvait croire qu’il eût le sentiment de sa triste situation, et que le joug féodal, imposé par ses conquérants, lui fût aussi lourd qu’il nous le paraît, en présence d’un droit public inconnu de nos ancêtres. Sans doute la dignité de l’homme n’en