Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/110

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ver la santé. Le Hai tcha vient de Kan tcheou fou de la province de Kiang si et ne diffère en rien du Lou ngan tcha, non pas même dans le goût plus ou moins âpre. Ainsi on peut dire qu’il est de l’espèce du Song lo tcha.

Il en est ainsi des autres espèces de thé : par exemple, celui dont se servent les Mongols en Tartarie, et qu’on nomme Kaiel tcha ou Kartcha, n’est composé que de feuilles, soit du Song lo, soit du Vou y tcha qu’on a laissé grossir, et qu’on mêle sans choix, parce que les Chinois jugent que tout est bon pour des Tartares, qui sont incapables de distinguer le thé grossier du thé délicat, et qui sont accoutumés à le mêler avec le lait, dont ils font un breuvage assez agréable et assez nourrissant, qu’ils prennent indifféremment à toutes les heures du jour.

Mais il ne faut pas aussi confondre avec le vrai thé, tout ce que les Chinois appellent tcha. Car ils prodiguent ce nom à des plantes qui ne le méritent pas et qui sont en effet nommées autrement par ceux qui n’ont pas intérêt de les faire valoir. Par exemple, dans la province de Chan tong, ce qu’on vend sous le nom de Meng ing tcha comme un thé admirable, n’est proprement qu’une mousse, qui croît sur les rochers d’une montagne de la ville Meng ing hien. Le goût en est fort amer. En quoi elle a quelque rapport au vrai thé, c’est qu’elle facilite la digestion, quand on la boit chaude après le repas.

On voit du thé semblable dans quelques endroits des provinces encore plus boréales que Chan tong ; quoiqu’il ne soit pas fait de feuilles, il ne laisse pas d’être appelé par les marchands tcha yé, feuilles de thé. Dans le pays où le vrai thé ne croît pas communément, tout ce qui a du rapport au goût ou aux effets du thé, s’emploie par le peuple, qui n’y fait pas tant d’attention, et à qui ce thé, tout grossier qu’il est, devient un régal. On en cueille assez souvent sur des arbres, qui ayant été transplantés depuis fort longtemps, ont dégénéré par la diversité du sol qui ne leur convient pas. Et pour en diminuer le prix, on en fait sa provision, lorsque les feuilles ont vieilli, et sont devenues dures et grandes : aussi le goût en est-il âpre et insipide, quoique d’ailleurs il produise les mêmes effets dans ceux qui le prennent, que produit l’usage ordinaire du thé, soit de celui que les Chinois appellent Song lo tcha, soit de celui qu’ils appellent Vou y tcha.

La troisième espèce de thé est de celui que nous avons nommé Pou eul tcha, qui signifie, thé du village Pou eul. Ce village est dans la province d’Yun nan et est limitrophe du Pegou, d’Ava, de Laos, et de Tung king. Le commerce de cette plante rend ce village considérable. Les marchands s’y rendent, parce qu’il est le plus voisin des montagnes qui produisent cette sorte de thé : l’entrée en est défendue aux étrangers par les gens du pays. On permet à quelques-uns d’approcher jusqu’aux pieds des montagnes, pour recevoir la quantité de thé, dont ils sont convenus.

C’est d’eux qu’on a appris que les arbres de ce thé sont hauts, touffus, plantés sans ordre, qu’ils croissent sans culture. Les feuilles sont plus longues et plus épaisses que celles du Song lo tcha et du Vou y tcha. On