Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/181

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des figures de lions. Je comptai d’un seul côté 147 de ces pilastres. Deux banquettes d’un demi pied de long et d’un pied et demi de large règnent le long des garde-fous ; le pont est pavé de grandes pierres plates si bien jointes, qu’il est uni comme une salle ; les murs fort proprement bâtis ont quarante pieds de hauteur, le rempart, qui n’est pas fort épais, est revêtu en dedans de la même façon ; la banquette est assez large, et d’une belle maçonnerie, aussi bien que le parapet, dont les créneaux sont fort près les uns des autres. Les portes par où on entre, sont doubles avec une espèce d’avant-mur en cet endroit, elles sont hautes, épaisses, et bien voûtées ; au-dessus il y a un édifice à double étage et à double toit ; on y monte de part et d’autre par un grand escalier, qui a bonne grâce. Depuis cette ville jusqu’à Peking on dirait que le chemin, qui est grand et large, est une rue perpétuelle, tant il y a de monde.

A quatre ou cinq cents pas de la porte de la ville extérieure, nous nous arrêtâmes devant la douane, où on laissa passer notre bagage sans le visiter. Dans le temps que nous étions arrêtés, une personne ouvrant la fenêtre de ma litière, me demanda si nous venions payer le tribut à l’empereur ; sur quoi il est à propos de faire une remarque assez importante mais pour la mieux comprendre, il faut savoir ce que j’ai dit ailleurs, que les Chinois supposant la terre carrée, prétendent que la Chine en est la plus grande partie. Ainsi pour désigner leur empire, ils se servent du mot Tien hia, le dessous du Ciel. Ce terme est à tout moment dans leur bouche. Tin pou tien hia, disent-ils, cela a cours par toute la Chine : Te leao tien hia, il s’est rendu maître de l’empire.

Prévenus de cet admirable système de géographie, ils ont cantonné le reste des hommes dans les angles de ce prétendu carré, et les traitant tous de barbares, ils ont cru leur faire beaucoup d’honneur que de les ranger au nombre de leurs tributaires. Ainsi tout ce qui vient des royaumes étrangers, soit lettres, soit présents, soit envoyés, tout cela passe pour une marque de soumission, et pour un tribut. Après quoi dans leur histoire, on marque le nom de ce royaume parmi les tributaires de la Chine.

Le dénombrement que je pourrais faire de tous les royaumes qu’ils comptent parmi leurs tributaires, serait trop ennuyeux, je me contenterai de marquer les principaux. La Corée est à la tête, ensuite le Japon, puis viennent les Mores, parmi lesquels ils mettent le royaume de Sa ma Ih han, qui doit être apparemment Samarcande ; Pan co la qui doit être Bengale, car ils le mettent à l’orient de l’In tou ou de l’Indoustan. Enfin vient Me tee na, car Mahomet, qui a trouvé le secret de se faire honorer de tant de peuples, n’a pas pu s’exempter d’être mis au rang des tributaires de la Chine.

Voici ce qu’en dit la géographie chinoise qui a pour titre Quan yu. Me tee na est le premier royaume des Mores : son premier roi, nommé Mo han mou te, fut un homme d’un génie extraordinaire ; il soumit à son empire tous les royaumes qui sont à l’occident : sous le règne de l’empereur Min hiuen te, il envoya un ambassadeur accompagné de gens du royaume de Tien fan pour payer le tribut.