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Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/206

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Le 1er jour d’août nous fîmes une poste de la même manière, pour nous rendre à Te ngan hien. Cette poste n’est que de soixante lis ou six lieues, mais il me parut qu’elle en avait bien sept. Je m’apercevais depuis quatre à cinq jours que ces stades étaient beaucoup plus longs, que ceux que j’avais fait au commencement du voyage. Aussi ai-je souvent ouï dire, qu’il y avait de la diversité entre les lis ou stades du nord, et ceux du sud. Aux environs de la Cour, les lis ou stades sont plus courts.

Comme il ne se trouva point dans cette ville d’auberges commodes pour nous tous, on me conduisit dans le temple de Tching hoang c’est-à-dire, de l’esprit tutélaire de la ville. Le bonze qui en avait soin, dressa aussitôt une table et un petit lit de camp au milieu du temple. Bien que les Chinois honorent dans ces temples les génies tutélaires de chaque lieu, ils ne laissent pas de les représenter sous une figure humaine.

Ayant fait quelques questions à ce bonze, je lui trouvai un grand fond d’ignorance : il ne savait pas même si l’idole qu’il adorait, représentait quelque esprit, ou quelque grand personnage de l’antiquité, quel pouvoir on lui attribuait, ni ce qu’on avait prétendu en le plaçant sur l’autel de ce temple. Je crus devoir m’abstenir de toute autre question, de peur de lui apprendre des erreurs qu’il ignorait. Je changeai donc de discours, et lui fis une longue instruction sur l’existence du souverain Être et ses principaux attributs ; sur la création du Ciel, de la Terre, et de l’homme ; sur l’incarnation de Jésus-Christ ; sur l’obligation que nous avons de connaître, d’aimer, et de servir cet Être souverain comme notre premier principe et notre dernière fin, de connaître sa loi et de l’observer. Je lui montrai que cette loi sainte est la religion chrétienne, que j’étais venu des extrémités du monde annoncer à la Chine qu’elle est la seule qui apprenne à l’homme à se bien connaître, en lui faisant comprendre qu’il est composé d’un corps corruptible et mortel, et d’une âme spirituelle et immortelle, capable de joie et de tristesse, de plaisir et de douleur, même après qu’elle est séparée du corps par la mort et que les âmes de tous les hommes après leur mort, par un arrêt irrévocable de leur créateur et de leur juge, reçoivent la récompense de leurs mérites et de leurs bonnes actions, s’ils ont vécu conformément à sa loi, en montant au Ciel pour y vivre éternellement heureux, et jouir du bonheur de Dieu même ; qu’au contraire, s’ils ont méprisé ou violé cette loi sainte, ils reçoivent un châtiment proportionné à la grièveté de leurs crimes en descendant aux enfers, où ils souffrent pendant l’éternité, la rigueur des flammes allumées par le souffle de la colère d’un Dieu irrité, etc.

Je parlai pendant près de deux heures, sans que le bonze, qui paraissait attentif et touché, m’interrompît une seule fois. Je finis en lui remontrant l’obligation où il était, de chercher la vérité et de la suivre. J’ajoutai que, si après avoir compris ce qu’il venait d’entendre, il jugeait que cette vérité se trouvât dans la religion dont je lui avais expliqué les fondements, je lui conseillais en reconnaissance du bon accueil qu’il m’avait fait, de songer à se faire instruire ; qu’il lui était aisé d’aller à Nan tchang fou, où il y a un temple dédié au vrai Dieu, et où il trouverait un