Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/228

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Cette police, qui retranche les assemblées nocturnes, paraîtra sans doute extraordinaire en Europe, et ne sera pas du goût des seigneurs, des gens riches, et de tout ce qu’on appelle le grand monde. Mais ne semble-t-il pas que les principaux d’un État, qui se trouvent à la tête des affaires, devraient préférer le bon ordre et la sûreté publique à des divertissements, qui tout au moins donnent lieu à une infinité d’attentats contre les biens et la vie des citoyens. Rien d’ailleurs ne paraît plus conforme à la raison, puisque les Tartares, gens sans étude, sortis du milieu des bois, et qui ne sont point éclairés des lumières de la vraie religion, se conduisent selon ces principes, et par cette sage vigilance coupent la source de tant de crimes, qui ne sont que trop ordinaires dans les États moins policés.

A la vérité il en coûte beaucoup à l’empereur, car une partie des soldats dont je viens de parler, ne sont entretenus que pour avoir soin des rues. Ils sont tous piétons, et leur paie est forte. Outre qu’ils doivent veiller sur ceux qui excitent du tumulte pendant le jour, ou qui marcheraient durant la nuit, c’est encore à eux d’avoir soin que chacun nettoie les rues devant sa porte, qu’il les balaie chaque jour, qu’il les arrose matin et soir dans les temps secs, ou qu’il enlève la boue après la pluie ; et comme les rues sont fort larges, un de leurs principaux emplois est de travailler eux-mêmes, et de tenir le milieu des rues fort net pour la commodité du public. Après avoir levé la terre, ils la battent, car la ville n’est point pavée, ou ils la font sécher après l’avoir renversée, ou ils la mêlent avec d’autres terres sèches : de sorte que deux heures après de grandes pluies, on peut aller dans tous les quartiers de la ville sans crainte de se salir.

Si les écrivains de quelques relations ont avancé, que les rues de Peking étaient ordinairement mal propres, ils ont voulu apparemment parler de la vieille ville, où les rues sont petites et ne sont pas si bien entretenues que dans la nouvelle ; car dans la nouvelle, les soldats sont continuellement occupés à tenir les rues nettes, même lorsque l’empereur est absent.

Dans la nouvelle ville se voit une seconde muraille peu haute et nullement épaisse, ornée cependant de grandes portes où sont des gardes. Cette muraille est appelée Hoang tching, c’est-à-dire, muraille impériale. Sa porte méridionale est la porte même du palais impérial, à cent toises environ de la principale porte de la ville, qui est également tournée au midi, et nommée par le peuple Sien men, quoique son vrai nom qui est gravé en tartare et en chinois, soit Tching yang men, qui veut dire, porte droit au soleil du midi.

Ce palais est un amas prodigieux de grands bâtiments, de vastes cours, et de jardins : il est fermé d’une muraille de brique d’environ douze lis chinois de tour. Cette muraille est crénelée le long de la courtine, et dans les angles elle est ornée de petits pavillons. Sur chaque porte est un pavillon plus élevé, plus massif, et entouré d’une galerie, laquelle porte sur des colonnes, et ressemble à nos péristyles. C’est là proprement ce qui s’appelle le palais, parce que cette enceinte renferme les appartements de l’empereur et de sa famille.