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Les anciens empereurs y ont tenu constamment leur cour, jusqu’à ce que des raisons d’État les obligent de s’approcher de la Tartarie, et de choisir Peking pour le lieu de leur séjour. Son étendue est fort vaste, elle compte quatorze villes du premier ordre, et quatre-vingt-treize du second et du troisième. Ces villes sont très peuplées, et les plus célèbres de l’empire, surtout pour le commerce ; c’est l’abord de toutes les grandes barques : car le pays est rempli de lacs, de rivières, et de canaux, ou naturels, ou faits à la main, lesquels communiquent avec le grand fleuve Yang tse kiang qui traverse la province. On y voit peu de montagnes, si ce n’est vers le midi.

Les étoffes de soie, les ouvrages de vernis, l’encre, le papier, et généralement tout ce qui vient, tant de Nan king, que des autres villes de la province, où il se fait un commerce étonnant, est beaucoup plus estimé et plus cher, que ce qui se retire des autres provinces. Dans la seule ville de Chang hai et les bourgs qui en dépendent, on compte plus de deux cent mille tisserands de simples toiles de coton.

En plusieurs endroits il y a sur les bords de la mer quantité de salines, et le sel qu’on en tire, se distribue presque dans tout l’empire. On y trouve beaucoup de marbre : enfin cette province est si abondante et si riche, qu’elle met chaque année dans les coffres de l’empereur environ trente-deux millions de taëls[1], sans y comprendre les droits qui se tirent de tout ce qui entre dans la province et de ce qui en sort : il y a plusieurs bureaux établis pour les percevoir.

Les habitants de cette province sont civils et polis, ils ont l’esprit excellent, et de rares dispositions pour les sciences ; aussi en voit-on sortir un grand nombre de docteurs qui parviennent par leur mérite aux charges et aux dignités de l’empire.

La province est partagée en deux gouvernements : celui de la partie orientale, dont le gouverneur réside à Sou tcheou fou ; et celui de la partie occidentale, qui a son gouverneur résident à Ngan king fou. Chaque gouvernement a sept fou ou villes du premier ordre sous sa dépendance.


Première ville capitale de la province.

KIANG NING FOU, ou NAN KING


Si l’on en croit les anciens Chinois, cette ville était la plus belle qui fût au monde : quand ils parlent de sa grandeur, ils disent que si deux hommes à cheval sortent dès le matin par la même porte, qu’on leur ordonne d’en faire le tour au galop chacun de son côté, ils ne se rejoindront que le soir : il est certain qu’elle est la plus grande de toutes les villes de la Chine : ses murailles ont de tour cinquante-sept lis, selon les mesures qu’on en a pris lorsqu’on en a dressé le plan, ce qui revient

  1. Un taël vaut une once d'argent, et cette once à la Chine répond à 7 l. 10 f. de notre monnaie présente.