Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/140

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pied de large, qu’ils posent alternativement debout dans toute leur hauteur, et de plat ou couchées de long, en sorte que celles qui doivent faire la clef, soient posées de plat. Le haut de l’arche n’a d’ordinaire que l’épaisseur d’une de ces pierres ; et parce que ces ponts, surtout quand ils sont d’une seule arche, ont quelquefois quarante ou cinquante pieds entre piles, et que par conséquent ils sont très exhaussés, et fort au-dessus de la levée, on y monte des deux côtés par des degrés, qui d’assez loin s’élèvent peu à peu sur des talus. Il y en a où les chevaux auraient de la peine à passer. Tout l’ouvrage est assez bien entendu.

Parmi la quantité de ces ponts, on en voit plusieurs d’une structure très belle. Celui qui s’appelle Lou ko kiao, lequel est à deux lieues et demie de Peking vers l’ouest, et qui fut renversé en partie par une subite inondation, était un des plus beaux qu’on pût voir. Il était tout de marbre blanc, bien travaillé, et d’une très belle architecture ; des colonnes régnaient sur les bords : il y en avait soixante-dix de chaque côté. Ces colonnes étaient séparées par des cartouches d’une belle pierre de marbre, ou l’on avait ciselé délicatement des fleurs, des feuillages, des oiseaux, et diverses sortes d’animaux ; à l’entrée du pont du côté de l’orient, on voyait de part et d’autre deux piédestaux de marbre, sur lesquels étaient posés deux lions d’une grandeur extraordinaire : on avait aussi taillé dans les pierres plusieurs lionceaux qui montaient sur les lions, ou qui descendaient, et d’autres qui se glissaient entre leurs jambes. A l’autre bout du côté de l’occident, on voyait deux autres piédestaux aussi de marbre, qui soutenaient deux figures d’enfants, travaillés avec le même art.

On doit mettre au rang des ouvrages publics, les monuments que les Chinois ont élevés presque dans toutes leurs villes, pour éterniser la mémoire de leurs héros, c’est-à-dire, des capitaines, des généraux d’armée, des princes, des philosophes, des mandarins, qui ont rendu service au public et qui se sont signalés par de grandes actions.

On voit par exemple, auprès de la ville de Nan hiong, dans la province de Quang tong, une haute montagne, d’où sortent deux rivières, et qui autrefois était inaccessible ; un colao né dans la province, entreprit de couper cette montagne, et d’y faire un passage libre aux voyageurs. Pour conserver la mémoire d’un bienfait si insigne, on éleva un monument au haut de la montagne, et on y plaça sa statue, devant laquelle on brûle des parfums, à dessein de perpétuer la mémoire de ce grand homme, qui a exécuté un si bel ouvrage et si utile à ses concitoyens.

On compte plus d’onze cents monuments élevés à la gloire de leurs princes, et de leurs hommes illustres en science ou en vertu. Les femmes ont part à cette gloire, et ils en distinguent plusieurs qui ont mérité et obtenu de semblables titres d’honneur, et dont les vertus héroïques sont célébrées tous les jours par les vers et par les chansons de leurs plus fameux poètes.

Ces monuments consistent particulièrement en des arcs de triomphe, qu’ils nomment pai sang, ou pai leou ; on en voit quantité dans toutes les villes : il y en a plusieurs dont le travail est assez grossier, et qui ne méritent pas d’attention ; mais il y en a d’autres qui sont estimables ;