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7o Si l’on s’aperçoit que les poissons frayent et donnent des œufs, ce qui arrive vers le commencement de mai, on doit répandre des herbes sur la surface de l’eau : les œufs s’y attachent, et lorsqu’on voit que le frai est fini, c’est-à-dire que les mâles ne cherchent plus les femelles, il faut retirer les poissons du vase pour les transporter dans un autre, exposer pendant trois ou quatre jours au grand soleil le vase plein d’œufs et en changer l’eau au bout de 40 ou 50 jours, parce que les petits poissons ont alors une forme sensible.

Ces observations ne seraient pas inutiles, si l’on s’avisait quelque jour de transporter de ces petits poissons dorés en Europe, de même que les Hollandais en ont transportés à Batavia.


De la pêche.

Outre les filets, dont les Chinois se servent pour prendre le poisson dans les grandes pêches, et la ligne dont ils usent dans les pêches particulières, ils ont une autre manière de pêcher, qui est assez singulière, et très divertissante. En diverses provinces ils élèvent un certain oiseau, qui ressemble assez au corbeau, mais dont le col est fort long, et le bec long, crochu et pointu : c’est une espèce de cormorans qu’ils dressent à la pêche du poisson, à peu près comme on dresse les chiens à prendre des lièvres.

Le matin au lever du soleil on voit sur les rivières un bon nombre de bateaux, et plusieurs de ces oiseaux qui sont perchés sur la proue. Les pêcheurs font caracoler leurs bateaux sur la rivière, et au signal qu’ils donnent en battant l’eau d’une de leurs rames, les cormorans volent dans la rivière, qu’ils partagent entre eux ; ils font le plongeon, et cherchant les poissons au fond de l’eau, ils saisissent ceux qu’ils trouvent par le milieu du corps, puis revenant sur l’eau, ils les portent à leur bec chacun vers sa barque, où le pêcheur ayant reçu le poisson, prend l’oiseau, lui renverse la tête en bas, et lui passant la main sur le col, lui fait jeter les petits poissons qu’il avait avalés, et qui sont retenus par un anneau qu’on leur met au bas du col et qui leur serre le gosier. Ce n’est qu’à la fin de la pêche qu’on leur ôte cet anneau, et qu’on leur donne à manger. Quand le poisson est trop gros, ils se prêtent secours mutuellement, l’un le prend par la queue, l’autre par la tête, et de compagnie ils l’apportent au bateau de leur maître.

Ils ont une autre manière de prendre le poisson qui est fort simple, et qui ne leur donne aucune peine. Ils se servent de longs bateaux fort étroits : ils clouent d’un bout à l’autre sur les bords une planche large de deux pieds, et enduite d’un vernis blanc et très lustré. Cette planche s’incline en dehors d’une manière imperceptible, jusqu’à ce qu’elle soit presque à fleur d’eau. On s’en sert pendant la nuit, et on la tourne du côté de la lune, afin que la réflexion de la lumière en augmente l’éclat. Les poissons qui jouent, confondent aisément la couleur de la planche vernissée avec celle de l’eau, ils s’élancent souvent de ce côté-là, et tombent ou sur la planche, ou dans le bateau.

Il y a des endroits où les soldats tirent le poisson à l’arc avec beaucoup d’adresse. La flèche est attachée à l’arc avec une ficelle, afin de ne pas