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sont les seuls timoniers, qui conduisent le vaisseau et qui commandent la manœuvre. Il faut avouer néanmoins qu’ils sont assez bons manœuvriers et bons pilotes côtiers, mais assez mauvais pilotes en haute mer. Ils mettent le cap sur le rhumb qu’ils croient devoir faire, et sans se mettre en peine des élans du vaisseau, ils courent ainsi comme ils le jugent à propos. Cette négligence vient sans doute de ce qu’ils ne font pas de voyages de long cours. Cependant quand ils veulent, ils naviguent assez bien.


Description particulière d'une somme.

Les cinq missionnaires jésuites qui partirent de Siam pour se rendre à la Chine, et qui s’embarquèrent le 17 de Juin de l’année 1687 sur une somme chinoise, dont le capitaine était de la ville de Canton, eurent tout le temps pendant cette traversée, d’examiner la structure de ces sortes de bâtiments ; la description détaillée qu’ils en ont faite, donnera une plus parfaite connaissance de la marine chinoise.

Cette somme qu’ils montèrent, suivant la manière de compter, qui a cours parmi les Portugais des Indes, était du port de 1900 pics : ce qui à raison de 100 catis ou 125 livres par pic, revient à près de 120 tonneaux ; la pesanteur d’un tonneau est évaluée à deux mille livres. Le gabarit en était assez beau, à la réserve de la proue qui était coupée, plate, et sans éperon. Sa mâture était différente de celle de nos vaisseaux, par la disposition, par le nombre, et par la force des mâts. Son grand mât était placé, ou peu s’en fallait, au lieu où nous plaçons notre mât de misaine, de sorte que ces deux mâts étaient assez proches l’un de l’autre. Ils avaient pour étai et pour haubans un simple cordage, qui se transportait de bâbord à tribord, pour être toujours amarré au-dessus du vent. Elle avait un beaupré, et un artimon qui était rangé à bâbord. Au reste ces trois derniers mâts étaient fort petits, et méritaient à peine ce nom. Mais en récompense le grand mât était extrêmement gros par rapport à la somme et pour le fortifier encore davantage, il était saisi par deux jumelles, qui le prenaient depuis la carlingue jusqu’au-dessus du second pont. Deux pièces de bois plates, fortement chevillées à la tête du grand mât, et dont les extrémités allaient se réunir sept ou huit pieds au-dessus de cette tête, tenaient lieu de mâts de hune.

Pour ce qui est de la voilure, elle consistait en deux voiles carrées faites de nattes, à savoir la grande voile et la misaine. La première avait plus de 45 pieds de hauteur sur 28 ou 30 de largeur : la seconde était proportionnée au mât qui la portait. Elles étaient garnies des deux côtés de plusieurs rangs de bambous, couchés sur la largeur de la voile, à un pied près les uns des autres en dehors, et beaucoup moins serrés du côté des mâts, dans lesquels elles étaient enfilées par le moyen de plusieurs chapelets, qui prenaient environ le quart de la largeur de la voile, en commençant au côté qui était sans écoute : de sorte que les mâts les coupaient en deux parties fort inégales, laissant plus des trois quarts de la voile du côté de l’écoute, ce qui lui donnait le moyen de tourner sur son mât comme sur un pivot, sur lequel elle pouvait parcourir sans obstacle du côté de la poupe au moins 26 rhumbs, quand il fallait revirer de bord, portant ainsi