Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/320

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qu’on suit ici, et qui parvint à être un des premiers ministres de l’empire, a traité la matière à fond, et n’a écrit que pour les grands laboratoires, où l’on fait de la dépense, mais dont on est dédommagé dans la suite avec usure.

Il faut, dit notre auteur, choisir un lieu agréable pour le logement des vers à soie, et avoir soin que ce logement soit un peu élevé, sur un terrain sec et dans le voisinage d’un ruisseau ; car comme il est nécessaire de baigner et de laver plusieurs fois les œufs, l’eau vive est celle qui convient davantage. Le quartier où l’on bâtira ce logement, doit être retiré, et surtout éloigné des fumiers, des égouts, des troupeaux, et de tout fracas. La mauvaise odeur, et les moindres surprises de frayeur, font d’étranges impressions sur une engeance si délicate : l’aboiement même des chiens, et le cri perçant du coq, sont capables de les déranger, quand ils sont nouvellement éclos.

On bâtira donc une chambre carrée, qui peut avoir d’autres usages hors de la saison des vers à soie. Comme l’air y doit être chaud, on aura soin que les murailles soient bien conditionnées. L’entrée sera tournée au midi, du moins au sud-est, et jamais au nord. Il y aura quatre fenêtres, une à chaque côté de la chambre, pour admettre l’air de dehors selon le besoin, et lui donner un libre passage : ces fenêtres qu’on tient presque toujours fermées, seront d’un papier blanc, et transparent, parce qu’il y a des heures où la clarté est nécessaire, et d’autres où il faut de l’obscurité : c’est pourquoi il est à propos qu’il y ait des nattes mobiles derrière les châssis.

Ces nattes serviront encore à défendre le lieu des vents contraires, tels que sont les vents du sud et de sud-ouest, qui n’y doivent jamais pénétrer : et comme on a besoin quelquefois d’un zéphir rafraîchissant, et que pour cela il est nécessaire d’ouvrir une des fenêtres, si c’était dans un temps où l’air fut rempli de moucherons et de cousins, ce serait autant de vers perdus ; s’ils se jettent sur les coques de soie, ils y causent des tares, qui rendent la soie d’une difficulté extrême à dévider : le mieux, et ce qui se pratique ordinairement, c’est de hâter l’ouvrage avant la saison des moucherons. On ne doit pas être moins soigneux à défendre l’entrée de la chambre aux petits lézards, et aux rats, qui sont friands des vers à soie, et pour cela il faut se pourvoir de chats actifs et vigilants.

Il est important, comme on le verra dans la suite, que les œufs s’éclosent en même temps, et que les vers dorment, se réveillent, mangent, et muent tous ensemble ; et pour cela il faut que dans leur logement il règne une chaleur toujours égale et constante. Le moyen que notre auteur suggère pour l’y conserver, c’est de bâtir aux quatre angles de la chambre, quatre espèces de petits poêles, c’est-à-dire, des creux maçonnés chacun de tous les côtés, où l’on allume du feu ; ou bien d’avoir un bon brasier portatif qu’on promènera dans la chambre, et qu’on retirera, lorsqu’on le jugera à propos. Mais ce brasier doit être allumé au dehors de la chambre, et enseveli sous un tas de cendres ; car une flamme rouge, ou bleuâtre, nuit beaucoup aux vers.